Textes divers








                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    

Bivouac en forêt de Brotonne

Pentecôte 2000, à la fin du premier jour de marche...

Dans la forêt monotone au bord de la nuit...
  Les pieds boueux, marcher encore. Hâter le pas. La pensée tendue vers l'endroit qui conviendrait au bivouac. Surpris, trois faons détalent : traces rousses qui s'évanouissent un peu plus loin. Je les suis.
  Enfin voici l'endroit plat, sec et dégagé auquel j'aspire depuis deux bonnes heures. Planter la tente, souper d'un quignon de pain et faire le lit.
  Sitôt claquemuré, je tarde à enfiler mon duvet. A quatre pattes, immobile, j'épie les bruits qui naissent avec le crépuscule. J'esquisse à peine un mouvement du bras pour changer d'appui que des aboiements rauques brusquement me claquent aux oreilles. Je gicle au dehors apeuré. Des feuillages qui finissent de s'agiter puis plus rien. Les faons, c'étaient dans la tente qu'ils étaient ! Dans la tente !
  Un moment après, j'en tremble encore.
  Les chouettes hululent, les ramiers, au vol lourd, font claquer leurs ailes. Un cerf... Oui ce ne peut-être qu'un cerf qui fasse ce bruit métallique. Il frotte ses bois sur le treillage qui clôt la plantation de jeunes arbres près d'ici ; j'ai cru que c'était un enfant qui passait en faisant courir son bâton dessus. La forêt bruit de tous ses animaux, puis tout s'arrête. S'installe à nouveau le silence habituel troué de quelques cris.
  Il reste ma peur. Une bonne peur animale. Elle me semble nouvelle et pourtant je la reconnais. Une peur qui maintient en alerte, fait vivre et agir. C'est fort, c'est important, c'est à moi... Je m'endors rassuré par cette bonne peur qui veille.
  Au matin, démonter la tente et la mettre à sécher. Chauffer au réchaud, de l'eau, du lait concentré, du café en poudre. Du pain, du beurre... mon petit déjeuner. Repu, rouler la tente, faire le sac et partir.


  Régis Lesage - Bivouac en forêt de Brotonne -  Extrait d'un carnet de randonnée de quatre jours en vallée de Seine





Décembre au couchant

Texte publié dans la revue L'Estuarien du Conservatoire de l'estuaire de la Gironde
en octobre 2002

Coefficient cent treize

Texte publié dans la revue L'Estuarien du Conservatoire de l'estuaire de la Gironde
en juillet 2003






Impressions à Portbail

Mercredi 12 juillet 2006

    Hier soir, j'ai laissé Salomé à sa grand-mère et je suis parti marcher parmi la lande, les dunes, autour du havre de Portbail. Vers les vingt heures, la gente lapine n'était pas encore couchée et mes pas levaient des quantités de petits culs blancs.
    Le havre avait perdu ses eaux et laissait voir les entrelacs miroitants des ruisseaux qui l'alimentent. Le long du havre, le sable ridé des dunes, puis le plat ou poussent quelques touffes de jonc, la falaise de tangue qui surplombe un filet d'eau, des trous, des bosses en strates colorées.
    Dans une anse déserte, un trimaran échoué goûte le silence du vent qui court sur la lande chargé de la senteur épicée des herbes. Là-haut, sur la dune qui domine l'entrée du havre, je contemple l'immensité. Les bouées du chenal, avachies, gisent en désordre.
    Plus loin, une dizaine d'embarcations à l'ancre attendent le retour du flot.
    Moment de plénitude loin des hommes affairés. Envie de bivouaquer là, dans un creux à m'enivrer du vent et de l'espace, à sentir vivre la lande à son rythme. Envie de voir de là haut mon navire, mon chez-moi posé là-bas sur la banquette de sable dur. Envie, au matin d'explorer les recoins dans la fraîcheur de l'aurore, de ramasser le bois flotté pour le feu, pour faire chauffer ma moque de café… et une multitude d'autres choses encore qui font la chair d'une vie nomade, sensations déjà relatées dans "Jaoul" mon roman. Le rêve est fort, puissant. Il m'étreint l'âme et ne me lâche pas. Que les choses du monde sont pâles et sans goût face à cette immense et vivante beauté qui appelle !

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La prière inexaucée des arbres






                         

                   






  Ce qui suit sont trois poèmes ou chansons de langue anglaise traduits par mes soins

Simon and Garfunkel - THE SOUND OF SILENCE - (trad : RL)

Simon and Garfunkel
THE SOUND OF SILENCE
1964

Hello darkness my old friend, I come to talk with you again, because a vision softly
  Bonjour l'osbcurité, ma vieille amie, je viens te parler de nouveau parce qu'une vision doucement
creeping, left its seeds while I was sleeping, And the vision that was planted in my brain,
  rampante sema ses graines pendant que je dormais. Et la vision plantée dans mon cerveau
still remains within the sound of silence.
  reste toujours à l'intérieur du bruit du silence.
in restless dreams I walked alone narrow streets of cobbled stone, Beneath the hallo of a street
  Dans des rêves agités, je marchais seul dans d'étroites rues pavées. Sous la lueur d'un reverbère,
lamp, I turned my collar to the cold and damp, When my eyes were stabbed by the flash of a
  je remontais mon col contre le froid humide, quand mes yeux furent blessés par l'éclat d'une
neon light, That split the night and touched the sound of silence.
  lumière au néon qui trouait la nuit et touchait au bruit du silence.
And in the naked light I saw ten thousand people, maybe more, People talking without
  Et dans la lumière crue, j'ai vu 10 000 personnes, peut-être plus, des gens parlant sans rien
speaking, people hearing without listening, People writing songs that voices never share, And
  dire, des gens entendant sans écouter, des gens écrivant des chansons que nulle voix
no one dare disturbs the sound of silence.
  ne chante. Et personne n'ose troubler le bruit du silence.
Fools, said I, you do not know, Silence like a cancer grows,
  Idiots, dis-je, vous ne savez pas que le silence croît comme un cancer
Hear my words so that I might teach you, take my arms that I may reach you,
  Entendez mes mots comme ça je pourrais vous enseigner, prenez mes bras que je puisse vous atteindre
But my words like silent rain drops fell, and echoed in the wells of silence, And the people
  Mais mes mots tombaient comme les gouttes d'une pluie muette et résonnaient dans les puits du silence. Et les gens
bowed and prayed to the neon god they made, And the sign flashed out its warning,
  s'inclinaient et priaient devant le dieu de néon qu'ils avaient fabriqué. Et l'enseigne clignotait sa mise en garde
In the words that it was forming, and the signs said the words of the prophets are written
  dans les mots dont elle était faite, et les enseignes disaient les mots que des prophètes ont écrits
On subway walls and tenements halls and whispered in the sound of silence.
  sur les murs du métro, des entrées d' immeubles et chuchotés dans le bruit du silence.
















W.H. Auden - SONG 9 - ( trad : RL)

1927-1957
12 songs - Song 9

Poème récité dans le film "4 mariages et un enterrement"  (Four weedings and a funeral)

Stop all the clocks, cut off the telephone, Prevent the dog from barking with a juicy bone,
  Arrêtez les pendules, débranchez le téléphone, donnez au chien un os juteux pour ne pas qu'il aboie !
Silence the pianos and with muffled drum, bring out the coffin, let the mourners come.
  Que les pianos se taisent et avec le tambour voilé, sortez le cercueil, faites venir les pleureuses!
Let aeroplanes circle moaning overhead, scribbling on the sky the message: He Is Dead,
  Que des avions en rond au-dessus hurlent en écrivant au ciel ces mots : Il est mort !
Put crepe bows round the white necks of the public doves, Let the traffic policemen
  Nouez un crèpe au cou blanc des colombes de la ville. Que les agents aux carrefours enfilent
Wear black cotton gloves.
  leurs gants de coton noir.
He was my North, my South, my East and West, My working week and my Sunday rest, My
  Il était mon Nord, mon Sud, mon Est et mon Ouest, ma semaine de labeur et mon repos du dimanche,
noon, my midnight, my talk, my song; I thought that love would last forever: I was wrong.
  mon midi, mon minuit, ma parole et mon chant ; je croyais à l'amour éternel et j'avais tort.
The stars are not wanted now: put out every one; pack up the moon and dismantle the sun!
  Et maintenant plus d'étoiles, dehors tout le monde, emballez la lune, morcelez le soleil,
Pour away the ocean and sweep up the wood. For nothing now can ever come to any good.
  videz l'océan et fauchez les forêts, de bien désormais il ne peut plus rien advenir.















      

E. E. Cummings - EROTIC POEM -  (trad : RL)

Poème érotique de  E. E. Cummings
1894 – 1962

I like my body when it is with your
  J'aime mon corps quand il est avec ton
body. It is quite so new a thing.
  corps. Il me semble si neuf :
Muscles better and nerves more.
  Mieux musclé et plus nerveux.
I like your body, I like what it does,
  J'aime ton corps, j'aime ce qu'il fait,
I like its hows, I like to feel the spin
  et comment il le fait, j'aime sentir ton échine
of your body and its bones, and the trembling
  et les os de ton corps, et sa douce fermeté
firm-smoothness and which I will
  tremblante que je veux
again and again and again
  encore, encore et encore               
kiss, I like kissing this and that of you
  embrasser, j'aime embrasser ci et ça de toi,
I like,slowly stoking the shocking fuzz
  jaime caresser lentement le friselis de ta fourrure
of your electric fur, and what it comes
  électrique, et ce qu'il y a
over parting flesh.... And eyes big love-crumbs,
  au-dessus de la raie… Et les yeux pétillants d'amour,
and possibly I like the thrill
  et peut-être que j'aime ton  frisson,
of under me you so quite new.
  au-dessous de moi, toi si totalement neuve.