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Jaoul en Ecosse

Mer du Nord  - Canal Calédonien  -  Hébrides - Ouest Irlande
Croisière en couple du 26 mai au 21 juin et en solo du  21 juin au 15 aôut 2013


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Trajet complet de la croisière


De Carentan à Boulogne, Ramsgate, Lowestoft


Samedi 25 mai 2013, Carentan

Demain à 10 heures du matin, en l'écluse de Carentan sera donné le départ de:
  Mangareva avec Michel et Claudine, confortable biquille anglais avec salon de pont,
  Stered, un Sunfast 36, taillé pour la régate, avec Jean DBR et Jean Le Suisse,
  Aqua Vitae avec Denis  et  Jean-François, un Patago 39 dériveur intégral en alu,
  Jonathan, un Jade 42, dériveur lesté en alu, avec François et Alain,
  Oléo, un Outremer 33 biquille en alu, avec Guillaume, Anso et Poupouyou alias Charlie leur fille qui vient de doubler son âge en 3 semaines,
  et Jaoul avec Régis et Michèle,
vers l'Ecosse.

    La première étape sera Boulogne. Soit 140 milles au travers bâbord amure, force 3... enfin si tout se passe comme la météo le dit.

    On a vu sur les pontons passer et repasser, une bonne partie de la semaine et surtout dans les dernières heures, des individus chargés de lourds sacs de victuailles. A mon avis, vu cet étrange défilé, le Français, porté naturellement sur la bouffe (la bonne, évidemment!), ne fait que moyennement confiance à ce qu'il pourra trouver dans les magasins d'outre-Manche-et-Mer-du-Nord.


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Dimanche 26 mai

    Avant midi, après l'écluse de Carentan, c'est pétole. Je suis saisi par une forte envie de jeter l'ancre dans la baie des Veys afin de goûter les effets d'un soleil inattendu dans le calme des eaux miroitantes. Mais l'instinct grégaire veillant, je reste dans le groupe.

    A midi, le vent arrive. Le moteur est arrêté et le silence accueilli avec soulagement.
    Devant Grandcamp, Jaoul s'arrête pris par la dérive dans une ligne de casiers. Branle-bas, on s'agite, on tire sur le bout de la dérive, on affale les voiles et au bout de dix minutes  il se libère.

    Temps froid.
    On se déhale gentiment, la nuit vient, et je veille avec la salopette de ski et les mouffles.
    La lune. Oléo silhouette noire sur l'encre des eaux avec la lune au fond.
    Le spi au matin pour rattraper les bateaux devant.
    Le spi jusqu'au travers et pétole juste avant Boulogne.
    Le port de Boulogne: moche. La marina plus intime au coeur de l'industrie de pêche.
    Demain, c'est relâche !
    Visite de Boulogne et derniers avitaillement avant l'Angleterre.


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Mercredi 29 mai, de boulogne à Ramsgate

    Ca pulse dès le départ. Jaoul part en tête (ça ne durera pas) et file jusquà 8,5 noeuds au bon plein.
    Temps gris, pluie.
    Devant Douvres, la noria des ferries. Couper la ligne. Se dépêcher. Espérer être vu et évité. Les cargos dans les rails de circulation du  Pas de Calais sont moins gênants.
    Avant Ramsgate, des hauts fonds.
    Devant Ramsgate, le courant. Furieux, il nous fait avancer en crabe pour aller droit dans le chenal d'accès au port.


Jeudi 30 mai 2013, marina de Ramsgate

  Aujourd'hui jeudi, relâche. On (les équipages) court dans la ville acheter une clé 3G (une par bateau). Pour télécharger les cartes de vent de la Météo, pour écrire sur les blogues, donner des nouvelles.
    La marina, chère en Angleterre.
    Puis, réunion, discussion devant une prévision des vents défavorable. Du nord pour aller au nord, c'est problématique, inconfortable et rallonge la route.
    C'est décidé, demain à 5 heures, on dérape pour aller mouiller dans la rivière Colne. L'estuaire  de la Tamise à franchir. La route: un labyrinthe entre les bancs de sable.
  Les jours qui suivent s'annoncent peu favorables pour progresser vers l'Ecosse. On évite de penser à plus loin que demain.


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Samedi 1 juin

  Au nord de l'estuaire de la Tamise, Sunk centre, un rond point pour les cargos qui vont alimenter Londres. Des mastodontes dans tous les sens. Route de collision ou pas?
  Et puis les windfarms, ces champs d'éoliennes. Il y en a partout. Ensuite les bancs de sable couverts de moins de deux mètres d'eau parfois. On a tiré des bords là-dedans et on s'en est tiré.
    Même à l'ancre, faut faire gaffe! Ca impressionne tant, qu'on se mettrait dessus en voulant les éviter!
 
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  Arrivée dans la marina de Lowestoft (chère, encombrée et inintéressante) vers 11 heures du soir  hier après 8 heures de moteur pour cause de vent debout.
Température de l'air: 13°, soleil et vent de nord.



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De Lowestoft à Scarborough


Dimanche 2 juin 2013, Lowestoft

    On part à 5 heures ce soir, direction Scarborough. Des  champs pétrolifères nous attendent. Et des windfarms encore. Soit 140milles avec toujours ce vent du nord. On commence au moteur et on espère une allure de près ensuite toute la nuit...
    Arrivée prévue demain tard dans la soirée.
    Enfin, on verra! Pour moi, la nuit, c'est pantalon de ski avec caleçon molletonné, moufles, deux polaires sur le dos et cagoule ouatinée genre chapka.

 
Mercredi 5 juin, Scarborough (Yorkshire)

    Ca fait deux nuits que nous sommes ici dans ce petit port actif d'une station balnéaire et de cure de la côte Est de l'Angleterre.
Nous y sommes parvenus après 140 milles depuis Lowestoft et un espoir de navigation à la voile qui n'a duré que deux heures. Le reste du temps, soit 25 heures, se passa au moteur parmi une mer d'un calme parfait. Calme qui n'était que sur la mer car nos oreilles ne furent pas à la noce.
    Jaoul a tracé un fleuve tranquille drainant des plaines molles et incertaines friselées par un léger souffle de surface, tandis que nous traversions une mer du Nord industrieuse, piquetée d'étranges échafaudages pétrolifères et de moulins en bouquets, des "fermes à vent".
 

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Quelques images de Scarborough

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De Scarborough à Lindisfarne


Vendredi 7 juin, Lindisfarne (Holy Island, Northumbrie)

    Nous sommes arrivés hier à Holy Island après une escale rouleuse dans l'anse de Runswick.
 
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  Ce sont les phoques qui nous accueillent en premier.
Qu'il est bon de côtoyer une autre forme de vie que la notre !

Groupés sur un banc de sable, ils attendent que la marée le réduise au point de ne plus pouvoir faire autrement que de se mettre à l'eau.
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Lindisfarne est le premier mouillage suivi d'une visite à terre de ce périple vers l'Ecosse.
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     C'est un haut lieu de la chritianisation de la Grande Bretagne.
     Le monastère de Lindisfarne est fondé en 635 par un moine irlandais, Aidan de Lindisfarne, qui a été envoyé de Iona, sur la côte occidentale de l'Écosse, en Northumbrie, sur demande du roi Oswald de Northumbrie. Il devient la base de la christianisation du nord de l'Angleterre. Le Saint Patron de la Northumbrie, Cuthbert de Lindisfarne, a été membre puis abbé du monastère, avant de devenir évêque de Lindisfarne.
     Au début des années 700, le fameux manuscrit enluminé connu sous le nom d'Évangiles de Lindisfarne, une copie illustrée en latin des Évangiles de Mathieu, Marc, Luc et Jean, a été probablement réalisé à Lindisfarne. A un certain moment de la deuxième moitié du Xe siècle, un moine nommé Aldred a ajouté une glose en anglo-saxon au texte latin, produisant les plus anciennes copies en vieil anglais des Évangiles. Les Évangiles ont été illustrés dans un style insulaire contenant un mélange d'éléments celtes, germaniques et romains.
     Le monastère est pillé par les Vikings le 8 juin 793, plongeant le monde chrétien occidental dans la consternation. Il s'agit du plus ancien raid viking connu relaté par la Chronique anglo-saxonne et cette date est souvent utilisée par les historiens pour distinguer le début de l'époque viking. Le prieuré a été rétabli durant la période normande en établissement bénédictin. Il est supprimé sous le règne de Henri VIII, en 1536.

 


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Abris de pêcheurs à Lindisfarne
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Bric-à-brac
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De Lindisfarne à Inverness


Lundi 10 juin, port de Buckie

    Nous avons fait une escale technique à Peter Head, un port situé à 57°30' nord et 1°45' ouest, en haut des oreilles du lapin. Après, c'est le Moray Firth dans le fond duquel se trouve Inverness, là où nous prendrons le "Caledonian canal" qui nous mènera dans les Hébrides.
  A Peter head, c'est la douloureuse facture de gaz-oil qui sanctionne la mollesse de la mer du Nord cette année. Cette mer du nord dont nous connaissons la déclinaison journalière à France Inter grandes ondes à 20 heures et quatre minutes: Viking bank, Tyne,  Dogger bank, Utsire, Humber, German bight, Tamise etc, que je ne cite peut-être pas dans le bon ordre mais qui évoque pour moi une mer venteuse qu'on aborde toujours avec appréhension.
  Entre Peter Head et Buckie, un port actif qui n'est pas aménagé pour la plaisance, voici quelques images de la côte et des villages écossais.

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Epave du côté de Fraserburgh
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    Le resserrement des maisons et la grisaille des murs sont assez impressionnants. On a du mal a y imaginer une vie gaie.


  Puis Buckie, une escale de repos pour la nuit qui ne commence vraiment que vers minuit heure française, et qui ne dure que trois à quatre heures et encore n'est-elle pas noire et donne lieu à d'interminable crépuscules, des aurores de toute beauté.


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Les crépuspules magiques des presque  soixantièmes degrés de latitude nord
 
Le voilier Mangareva dans la lumière
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Le canal Calédonien


Mardi 11 juin, dans le Caledonian canal, marina de Seaport
 
    Dès l'arrivée à Inverness et le passage sous le pont, le climat change. Les pulls polaires et lainages valsent. L'anticyclone centré sur la mer du nord qui nous a valu des températures moyennes de 10 à 12° descendant certaines nuits à 5°,  laisse filtrer à travers son air pur le soleil  qui chauffe la terre. Un groupe de grands dauphins, des tursiops, nous font fête.

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Première prise de contact avec le monde fluvial et ses écluses. Il y en aura 29 dont 15 à monter et 14 à descendre. Manoeuvres d'amarres en nombre. Les écluses à descendre sont plus faciles. L'amarre se prenant sur les bolards juste à la hauteur du bateau. A la montée, il faut lancer l'amarre à temps au dessus des murailles des bajoyer le long desquels il n'y a rien pour s'agripper. Mais les gens des écluses sont sympathiques. Ils aident beaucoup.
    Pour le forfait (170 livres pour Jaoul) que nous avons choisi, il nous faut sortir du canal avant huit jours.


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    Le début du canal n'offre pas de paysages intéressants. Les effluves épicées des genêts en fleurs agressent les narines des marins déshabitués des senteurs de la terre. En mer, à partir d'une certaine distance du littoral, on ne sent rien.
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Le loch Ness enfin, le sombre, le mystérieux...
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    Dans le loch, l'eau noire frise. Le loch fait un couloir de vent et lève un court clapot. Eau noire réglissée, eau noire moirée comme un goudron chaud qu'on étale sur les routes, reflets ambrés dans son écume. Température de l'air: 12 degrés.
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Parfois, un animal cherche à entrer en communication avec l'être humain. Ici, une canne.




Mercredi 12 juin
   
    Loch Ness. Mouillage dans Urquhart bay. Un mouillage bien protégé du couloir venteux du loch. Fond de vase.

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    Visite du Château juché sur le promontoire qui protège la baie. On se trouve d'un coup dépaysé, touriste parmi les touristes nombreux et bigarrés venant non-seulement d'Europe mais aussi d'anciennes colonies Britanniques, plongé sans transition dans un monde auquel,  nous tentons, avec nos bateaux, de tenir à distance.

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Jeudi 13 juin, Fort Augustus

    Le bout du loch Ness. Je revois cet endroit 44 ans après avoir fait le tour du loch à sept dans une 2CV appartenant à des français rencontrés à Inverness. Nous étions deux amis de lycée partis visiter l'Ecosse avec peu de moyens. Camping sauvage, auto-stop et auberges de jeunesse. J'avais dix-huit ans.
    Fort Augustus: souvenir doux à mon âme.


Nos bateaux au ponton
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Le loch Ness au fond
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L'écluse à monter

Le boucher de Fort Augustus
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Vendredi 14 juin, loch Oich, ponton de Castle bay

    Après Fort Augustus, le paysage change. On ne montera pas à plus de trente mètres au-dessus du niveau de la mer, pourtant, c'est dans un paysage de haute montagne que nous évoluons.
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Vers 14 heures, nous accostons sur la rive du loch Oich près d'un vieux château en ruines.
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Puis on se réunit le soir autour d'un feu de camp, chacun apportant ce dont il dispose. On fait griller des brochettes et cuire des pommes de terres dans la cendre.

Une partie de l'équipée se concentre avant le coup de feu, l'autre partie fait de même.

Lundi 17 juin, Corpach
 
Loch Lochy, des montagnes poilues d'arbres seulement dans les fentes humides.
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Le loch à l'étiage laisse voir des plages de cailloux jonchées de bois flotté ou des trognons d'arbres morts.
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Au bout du loch Lochy, des voiliers au pied de montagnes enneigées.
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Le dernier soir dans le canal Calédonien.
Le crépuscule dans la mer, derrière les derniers sas, rosit le Ben Nevis.


La dernière écluse puis la mer, le loch Linnhe.

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    La traversée du canal Calédonien s'est faite vent debout. Il ne fut pas possible de mettre les voiles ou très peu. Le temps fut relativement beau mais très froid. En témoignent les névés qui subsistent aux sommet des montagnes qui sont peu élevées. Moins que les Vosges.
    Nous tirons nos premiers bords dans la mer des Hébrides en fin de journée pour aller mouiller à Port Ramsay (île de Lismore dans le loch Linnhe). Une partie de la flottille ira à Oban; l'autre, c'est-à-dire Oléo et Jaoul, préfèrera gagner Tobermory (île de Mull) le lendemain.




Tobermory (île de Mull)


Mardi 18 juin, Tobermory, île deMull

    Le Sound of Mull à la voile. C'est la découverte d'une navigation sportive telle que la connaîssait notre ami Jean le Suisse, équipier sur Stered quand il régatait sur le lac Léman. Les montagnes dévient le vent d'ouest (Oui, l'anticyclone qui nous a donné un vent de nord en mer du Nord s'est retiré laissant le passage aux dépressions amenées par le courant général d'ouest habituel sous nos latitudes.) en modifiant, non seulement son orientation mais aussi sa force. Aussi faut-il être vigilant et prompt à reprendre les réglages des voiles à tous moments. Cette navigation est épuisante.
 

Tobermory, la nuit.
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La famille Ponçon rentre sur Oléo



Tobermory de jour
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Vendredi 21 juin
 
Ce matin, 9h30, Michèle quitte Jaoul avec Alain, équipier sur Jonathan pour rentrer en France. Michèle souhaitait rentrer à la maison pour le début août et me laisser seul poursuivre ma navigation jusqu'en septembre. Mais comme les équipages qui doivent rentrer à cette date de début août ne pouvaient pas prendre Michèle comme équipière, et ne sachant pas parler anglais, elle ne souhaitait pas non-plus que je la dépose près d'un aéroport. Il ne lui restait plus qu'a redescendre avec Alain vers la mi-juillet, comme il avait prévu. Cependant, Alain a avancé sa date de retour et Michèle s'est trouvée contrainte de quitter le bord avant d'avoir pu visiter vraiment les îles Hébrides. Et c'est bien dommage, car le paysage est magnifique et surprenant malgré le temps souvent bouché (qui ne dure pas, heureusement. On dit par ici qu'on a les quatre saisons dans une seule journée.)
    Je poursuis donc le voyage en solitaire.

  Souvenir aussi à Tobermory, c'était il y a trente ans tout juste: une croisière en équipage avec un voilier en aluminium de 9,60m. C'est cette croisière qui inspira en grande partie mon roman "Jaoul avant le grand départ" téléchargeable sur ce site.




L'île de Rum


Vendredi 21  juin, loch Scresort, île de Rum

  Michèle a quitté le bord ce matin, Oléo est parti hier pour l'île de Rum, et je vais l'y rejoindre tandis que le reste de la flottille, qui est arrivée à Tobermory une journée après nous,  reste pour laisser passer le mauvais temps qui s'annonce pour Lundi.
  A 17 heures, je mouille près d'Oléo. Nous prenons le repas du soir ensemble sur Oléo, la demeure ambulante de Guillaume, Anso et Poupouyou alias Charlie Ponçon.
  A 21 heures, j'amarre Jaoul le long d'une petite jetée en pierre et j'attends l'échouage. La nuit est douillette, près de ce mur protecteur.


Approches de l'île de Rum
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Jaoul à l'échouage à loch Scresort
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    Rum la ruissellante. Au matin de samedi, je décide de grimper dans la montagne. Le chemin emprunte le lit d'un torrent, ou bien est-ce le torrent qui emprunte le chemin, il est difficile de savoir car en dehors, sur l'herbe l'eau ruisselle aussi. Les nuages chargés d'une poudreuse et lourde humidité se vautrent sur les sommets, et jusqu'à la mer parfois, bouchant la vue en recouvrant tout d'une poix froide et dégoulinante.



Huitrier pie
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Eau légèrement tourbée
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Héron cendré
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Loch Scresort
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L'île d'Eigg vu de Rum


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Le sound of Sleat vu de Rum

  Après avoir bien marché dans la montagne, à marée haute, je quitte l'endroit pour aller me réfugier dans un autre plus sûr afin de laisser passer le coup de vent annoncé.




De Loch Scresort (île de Rum) à Portree (île de Skye), puis retour par Kyleakin


Samedi  22 juin, Loch Na Dal, île de Skye

  Je pars de Rum à 19h à marée haute avec l'idée de me réfugier à Loch Na Dal, sur l'île de Skye. Un loch ouvert au sud-est, un bon abri pour un coup de vent annoncé de nord-ouest à nord. Vers 23h, J'y retrouve Oléo et mouille.
  Dans la nuit, l'ancre  chasse sur une distance de 135 mètres. Je mouille une deuxième ancre et la chasse s'arrête.

 

lundi 24 juin

    Température 10° à 7h30 dans le bateau..
    Fin du coup de vent. Je releve le mouillage de secours avec patience, à l'aide du winch de génois. Puis l'ancre principale. Elle sort de l'eau recouverte de vase et j'ai bien du mal à enlever le kelp (algues du genre laminaires très longues et larges) qui s'était emberlificoté autour. La chasse s'explique donc par la végétation trop abondante du coin qui a empêché l'ancre de crocher.
    Ensuite, en compagnie d'Oléo, j'emprunte le Sound of Sleat (passage entre l'Ecosse et l'île de Skye). Là on mouille dans un décor majestueux en attendant la renverse pour passer le Kyle Rhea (l'endroit du passage  le plus étroit).

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Kyle Rhea, le passage entre l'île de Skye et l'Ecosse

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Le Kyle Rhea derrière

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Le pont de Skye devant

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Scalpay devant


    Avec Oléo, nous passons la nuit à l'ancre dans Scalpay Caolas, juste avant un passage étroit entre l'île de Scalpay et celle de Skye qui cale 10cm à marée basse. A marée montante, on passe en longeant deux bouées.
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Entrée dans le loch de Portree

   

Mardi 25 juin, Porteee, île de Skye

  Nous ancrons devant le port afin de ne pas payer une bouée à la nuitée. Nous nous faisons virer sans délicatesse par un pêcheur du coin. Il nous intime l'ordre de nous amarrer sur les bouées réservées au visiteurs.
    Il y a trente ans, on ancrait partout dans ce port, il n'y avait pas de bouées. Mais, c'est partout pareil: il faut aménager l'espace, le rendre plus facile d'accès, et l'on fait payer l'aménagement dont nous n'avons  pas besoin. Par chance, il n'y a personne pour collecter l'écot (10 livres par nuit), on compte sur l'honnêteté du visiteur pour l'introduire dans la fente d'une tirelire appelée honesty box disposée contre la porte de la RNLI, version britannique de notre SNSM.

Jeudi 27 juin, Portree, île deSkye

  Le reste de la flottille arrive après une escale à Kyleakin.


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Le port de Portree


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Rue du quai
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Le Pier Hotel
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Le mouillage
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Le mouillage
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Les Cuillin hills
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Derrière le port



 
      Portree... là encore le souvenir m'étreint. Un souvenir double: celui d'août 1969, quand j'y suis venu avec  Jacques, mon ami de lycée. Un bed-and-breakfast peu reluisant mais cocasse, puis le camping sur un terrain détrempé. Au port, nous avions assisté au déchargement d'un petit navire qui transportait une centaine de tonnes de charbon. Il avait fallu une semaine à cinq personnes. Un travaillait, les autres regardaient. C'était une autre époque.
    Puis l'autre souvenir, en 1983, en voilier. On avait échoué le bateau contre le quai pour remettre l'arbre d'hélice qui s'était désaccouplé...

 
Samedi 29 juin, Portree

    Température 12° dans le bateau.
    Les bulletins météos ne sont pas bons. Le mauvais temps d'ouest arrive et l'espoir de progresser vers les Hébrides extérieures est altéré.
    Pour la flottille, il est temps de redescendre vers le sud, leur temps étant limité. Oléo a pris les devants, il a appareillé hier.
    Pour moi qui dispose d'un temps illimité,  ce mauvais temps m'oblige à renoncer, pour l'instant, à monter plus au nord. Je pars donc  aujourd'hui avec la flottille pour une escale à Kyleakin, protégée des vents de sud-ouest.

    La descente vers Kyleakin se fait à la voile avec un vent qui va croissant en force mais imprévisible en direction. Les manoeuvres sont nombreuses, les surventes fréquentes.
    La flottille se met à la marina, moi sur une bouée gratuite à l'extérieur du port. On laisse passer le mauvais temps. J'ai triplé l'amarre sur la bouée. On va au pub.

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En sortant du Loch de Portree


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En redescendant vers Kyleakin


Dimanche 30 juin, Kyleakin, île de Skye
 
    Je reste  à bord pour mettre à jour ce site et profiter d'une bonne liaison Interrnet 3G.


Lundi 1er juillet

    La flottille (les quatre voiliers restants) est partie tôt ce matin pour passer le Kyle Rhea avec le courant portant et joindre Oban pour une escale technique.
    Je reste sur bouée cette nuit puis je pense aller ancrer dans le loch Moidart dont Oléo a vanté la beauté sur son blogue.





   

°°°°° Parcours de Jaoul en Ecosse au jour du 1er Juillet 2013 °°°°°
 

   

     
Voici le parcours de Jaoul en Ecosse au jour du 1er Juillet 2013
soit 1001 milles parcourus depuis Carentan



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De Kyleakin (île de Skye) à Arisaig (Loch Nan Ceall)


Mardi 2 juillet

    Je reste une journée de plus à Kyleakin pour cause de temps maussade et un peu trop venteux. J'ai droit à la visite d'un type envoyé par le harbour master pour voir ce que ce bateau français fait là depuis trois jours sans qu'on ne voit personne s'agiter sur le pont.


    Mercredi 4 juillet

            Comme ça beaucit, je défais la torsade d'amarres qui s'est tournicotée autour de la manille de la bouée pour prendre le vent et glisser tranquillement dans le Kyle Rhea et le Sound of Sleat. Il est 8h.


Trajet autour de Skye
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Moirures du Kyle Rhea
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Les Cuillin hills dans le sound of Sleat
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    Embouquer le passage pour se rendre dans le Loch Nan Ceall demande de l'attention. C'est truffé de roches affleurantes, mais il y a des perches, qu'il vaut mieux prendre dans le bon sens. On peut y accéder à marée basse, en morte-eau, j'ai vu des voiliers rentrer à ce moment de marée. Ca débouche sur une petite baie qui abrite une cinquantaine de voiliers à l'ancre ou sur bouée. Au fond, le petit village d'Arisaig.
    Il est 17h quand je jette l'ancre. A 18 heures, je vais à terre pour visiter Arisaig.

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Loch Nan Ceall après zigzags entre les roches
Rum dans le fond

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Le village d'Arisaig


  Il  fait  bon débarquer et se promener dans le village, faire quelques courses et s'asseoir sur un banc. L'atmosphère du soir est douce, le vent est tombé et un petit soleil rayonne.



Jeudi 4 juillet, sur ancre dans Loch Nan Ceall devant Arisaig.
 
  Aujourd'hui, il en est autrement. Le mouillage est agité par un grand frais de suroît que l'éolienne engouffre pour le plus grand plaisir de mes batteries. Par précaution, j'avais mouillé deux ancres.  Elles tiennent bon. Quelques  hardis navigateurs se sont risqués à se rendre à terre en annexe. Le vent  y portant, ils ne sont pas encore rentrés.
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    Ce matin, il faisait 15° dedans comme dehors, c'est un net progrès. Le soleil perçant les nuages, à midi, il faisait 18° dans le bateau, le panneau de descente ouvert. J'en ai profité pour faire une toilette complète du bonhomme avec moins de trois litres d'eau tiède. Une moitié de timbale d'eau sortant de la bouilloire complétée avec de l'eau froide. J'en verse un peu sur un gant ou sur mes cheveux. Puis, une petite lessive s'ensuivit sans guère dépenser d'eau douce. J'aime cette façon gitane de vivre, la parcimonie, plaisir de vivre simplement.

    A  l'épicerie hier, je suis tombé sur ce que je recherche. Du methylated spirits. Oui, c'est ainsi qu'on appelle l'alcool à brûler par ici. Il sert à préchauffer les brûleurs à pétrole de la cuisinière. Je n'en n'ai pas pris assez à Carentan et je crains de tomber en panne d'ici un mois. Alors quand l'occasion de s'approvisionner se présente... Mais c'est pas donné: 3 £ le demi-litre (3€60). En calculant au plus juste, il m'en faut encore trois flacons.

    Demain, le vent aura baissé, j'espère. J'espère aussi que le soleil qui enlumine le paysage ce soir permettra demain de m'approcher de ses couleurs.


Vendredi 5 juillet, Arisaig

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Le mouillage de Loch An Ceall (Arisaig)

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Le mouillage de Loch An Ceall (Arisaig)

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Barque fleurie
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Une anse bien abritée

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Vieille ferme à Arisaig

 

Samedi 6 juillet, Arisaig

  Temps bouché, pluie et vent, à ne pas mettre le nez dehors. Je me risque à la cuisine Britannique et je prépare les fameux"eggs and bacon".




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Et voilà le travail!
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Oui, je suis plus doué pour la photographie que pour la cuisine. Mais c'est bon quand même!

 

Dimanche 7 juillet, Arisaig

    Le moral était dans les chaussettes avec ce temps humide et bouché qui durait depuis pas mal de temps. Mais aujourd'hui, un beau soleil est venu donner un petit goût d'été. J'en ai profité pour monter sur les collines. J'ai vu des vaches, pas du tout celles à long poils avec des cornes en guidon de vélo, non, des vaches normales, sans corne, des vaches industrielles, quoi !
  J'ai vu passer le train à vapeur qui relie Mallaig à Fort William.

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L'entrée, ou plutôt la sortie du Loch Nan Ceall vu du haut de la colline

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Vue complète du Loch Nan Ceall avec l'île d'Eigg au fond et plus loin, Rum

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La vieille ferme d'Arisaig dans le paysage

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Dans l'église d'Arisaig

    Aux dernières nouvelles, la flottille Carentanaise est à Craighouse (sud-est de l'ïle de Jura) et la famille Ponçon sur Oléo à Gigha, une île à l'ouest de la presqu'île de Cantire (Mull of Kintyre). Ils vont se retrouver tous à Port Ellen, île d'Islay.
    La fraîcheur tombe ce soir, il fait 19°, le vent aussi et le ciel se couvre.
 

Lundi  8 juillet, Arisaig.

  Un rai de soleil filtre à travers l'ouverture du panneau de descente et illumine le bord de la table à cartes sur laquelle j'écris. Oh ! juste l'instant du rayon de soleil et surtout le temps de parvenir à la fin de ce mot. Après, le sentiment de solitude reprendra le dessus avec le sens de ce que je fais-là en Ecosse, (ça ne dépend pas du lieu) qui m'échappera de nouveau.
  J'entends le clapotis de l'annexe en laisse à l'arrière du bateau. Elle me prévient que le miroir de l'eau immobile s'est brisé en mille et une vaguelettes qui viennent l'agiter. D'ailleurs, le rai de soleil sur la table à carte a disparu, lui aussi. Le ciel pur du matin s'est couvert. Il est une heure de l'après-midi, je suis toujours en pyjama et je n'ai pas faim.

  Tiens, le soleil revient me caresser la couenne, un peu timidement cependant ! Et j'entends le tchoutchou du train à vapeur qui va de Mallaig à Fort William; il part d'Arisaig, il est 13h08 à ma montre, 12h08 pour les Ecossais. Pour photographier la locomotive en gare, j'ai noté  l'heure des arrêts pour y être présent. Décidément, je ne comprends rien à leurs horaires !


Mardi 9 juillet, Arisaig

    Demain, j'aurais passé une semaine complète à Arisaig. Non pas parce que ce lieu est plus intéressant qu'un autre, mais d'abord pour laisser passer le mauvais temps, et puis goûter au beau temps ensuite.
    A huit heures, la brume avait gommé le paysage. A onze heures, j'aperçois Eigg plate avec ses hautes falaises et Rum derrière, plus haute et plus puissante avec ses sommets escarpés, si proches comme si elles étaient venues fermer la sortie du loch.

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    Cet après-midi, le long du loch, des hêtres magnifiques au tronc puissant, large et très court d'où partent d'autres tronc élancés disposés en gobelet, des frênes d'où pendent des lichens chevelus d'un beau vert de gris granuleux, le bruit de l'eau tourbée qui serpente sous les frondaisons, la foret qui garde ses arbres morts, droits autant que possible et des moutons qui laissent des traces de laine accrochées aux barbelés des clôtures laissent une impression de nature forte où la main de l'homme se fait discrète puisqu'il ne cueille pas ce bois mort qui pourtant ferait de bonnes flambées dans l'âtre les jours d'hiver.
    Sieste  sur l'herbe rase et sèche, tourné vers la mer. Des hérons, comme celui de la fable, s'envolent majestueusement dès qu'ils perçoivent mon mouvement pour les approcher. Des corneilles mantelées se chamaillent et vérotent parmi des huîtriers stridulants. Des moutons sur un îlot; l'instant d'après, ils sont près de moi et m'observent, tout en gardant une distance qui permet le repli. A croire qu'ils connaissent les heures des marées. La laisse de haute mer fait un cordon de varech par dessus la pelouse; à part quelques trous d'eau, l'absence de ressac laisse l'herbe intacte.
    Pas de photos cependant, j'avais oublié la carte flash dans le bateau.

    Demain, j'irai mouiller au Loch Moidart. On ne peut y entrer qu'au moment de la haute mer et le Loch Nan Ceall qu'il vaut mieux emprunter aussi à marée haute, m'oblige à quitter Arisaig à la marée du matin pour pouvoir mouiller dans le Loch Moidart à la marée du soir. Comme ces deux lochs sont proches, je profiterai du temps qu'il faut à la mer pour descendre et remonter pour aller promener ma coque du côté de l'île d'Eigg.
 





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Iris des marais
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A l'entrée du champ des vaches normales


Mercredi 10 juillet
   
    En quittant Arisaig, plane au dessus du village un édredon qui vient juste de prendre un peu de hauteur pour me permettre de sortir du loch.

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Loch Moidart


Mercredi 10 juillet, Loch Moidart
   
    N'étant pas trop sûr de mon coup pour réussir une belle entrée à marée basse dans le loch Moidart défendu par des roches affleurantes et garni de larges bancs de sable et de vase qu'il faut contourner savamment selon les dires du portulan du Clyde Cruising Club, je préfére y entrer juste avant la marée haute du soir, ce qui me laisse la journée pour goûter le beau soleil et le petit vent prometteur qui, s'il s'était maintenu, m'aurait permis de pousser jusqu'à Canna. C'est devant Eigg que ce vent de nord-ouest capricieux me lâche après être passé au sud-ouest d'un seul coup.
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    L'entrée du loch Moidart n'est pas facile. Il faut approcher la roche de près pour apercevoir l'entrée qui n'est pas signalée. Un petit courant me pousse à l'intérieur. Le regard ébahi des phoques me fait presque douter du bien fondé de ma visite. Après avoir correctement négocié la chicane, je gagne cet écueil au loin et, avant de le laisser à bâbord, une dizaine de bernaches cravants sur ma route se dépêche de filer. De grands et beaux arbres, hêtres, bouleaux, sapins, en mélange ou groupés, bordent les rives, peuplent quelques îles, alternent avec des  roches jaunies de lichen. Le soleil bas avive les couleurs et fait scintiller l'eau.  Le décor est somptueux, la joie m'étreint.

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Le château de Tioram

    Puis, tout près du château, parmi deux autres voiliers,  je jette l'ancre.
    Le silence m'enveloppe. Quelques bruits cependant. Des bruits que le silence qui court sur l'eau tranquille apporte à mes oreilles. Des cris éraillés, des claquements de bec, des frôlements d'aile, des plics et des plocs ça et là, sporadiques. Et puis les bruits d'une conversation humaine. C'est dans le bateau d'à côté, une jonque que je reconnais comme étant Jester, ou son sister-ship, celle de Blondie Hasler, le Britannique qui est l'initiateur, et concurrent avec Jean Lacombe et Francis Chichester, en 1960, de la première course transatlantique que Tabarly gagnera quatre ans plus tard.
    Dans la jonque, un couple sûrement. Et  plus loin, un bateau bleu foncé; l'annexe ficelée à la poupe laisse deviner une présence à bord.

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  Un toc-toc sur la coque le lendemain de bonne heure puis quelqu'un m'appelle. Je sors sur le pont en pyjama. Un homme dans son dinghy m'entreprend en anglais. Il s'appelle Tim Mac... , je n'ai pas retenu son nom. Il vit à l'année dans sa jonque "Chinese Blue". Il vient me voir, pour savoir qui je suis mais décline l'invitation de monter à bord.
    Deux heures plus tard, il est encore là à tenir le bastingage et parler encore. Grand-père, divorcé, ayant travaillé au Kenya dans l'informatique, chômeur en Angleterre, il vit avec un revenu minimum d'insertion, ça suffit pour parcourir le monde en bateau.
    Il n'a plus de vivre et part pour Oban pour remplir la cambuse, mais avant, il va remplir ses bidons à la cascade.
    Guillaume d'Oléo le connaît, il m'en a parlé. Tim se souvient de Guillaume d'Anso et de leur bébé, ça fait plus de trois semaines qu'il est ancré ici.

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Tim a levé l'ancre et s'en va
   
    Je pars en annexe explorer mon nouveau territoire.
    En rentrant, je vais voir l'homme du bateau bleu, Gary. Tim le connaît, Gary  confirme. Ils se sont rencontrés plusieurs fois, en Australie, dans les caraïbes et je ne sais plus où encore.
    Comme Tim est parti trop vite, je cherche à savoir qui est ce Tim; il parle, parle, il n'arrète pas, il n'écoute pas, dit Gary. Et je comprends pourquoi hier soir, j'ai entendu une conversation jusque fort tard dans la nuit. Gary éclate de rire: c'est Tim qui se parlait à lui-même !
    Il m'apprend qu'il va laver son linge et se laver  à une petite chute d'eau, Tim buvait cette eau, mais pas lui. Il m'indique ou se trouve la première poubelle, la première boutique pour acheter à manger (à 5km).
 
    Durant ma balade, j'ai vu des rochers couverts de délicieuses moules bien pleines. Mais Gary m'apprend qu'elles sont empoisonnées. Quel dommage !

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    Le soir, lorsque tout semble calme, on entend les krackrack éraillés des hérons au retour dans leur héronnière au sommets des pins là-bas derrière, les claquements de bec des petits affamés.
    Le nourrissage intense à ce moment de l'année nécessite une ronde incessante entre la héronnière et le territoire de chasse, un morceau d'estran bien délimité. Mais ce ne sont pas les plus bruyants malgré leur grande taille. Peu de chose en comparaison des huîtriers pies qui se poursuivent de leurs piaulements sonores et de kliipkliip d'appel.

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Les héronnières là-bas au sommet des pins,
des locataires à tous les étages


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    Vendredi. Il fait soleil. C'est le moment pour la lessive des vêtements comme pour celle du bonhomme. Le linge trempe dans deux seaux de lessive tiède depuis le matin tôt. J'ai trouvé l'astuce pour bien le brasser. Un pied, nu bien sûr, dans chaque seau et je foule en évitant de faire gicler la lessive hors du seau.
    A la cascade, un modeste ruisseau sautant quelques pierres, je lave le bonhomme d'abord. L'eau est fraîche mais pas froide. Une bouffée de bonheur m'arrive d'un coup. Mon lien avec la nature n'a jamais été plus étroit qu'en ces moments où elle donne gratuitement, avec une simplicité déconcertante ce dont j'ai  besoin. Et je jubile.
    Le linge est rincé à l'eau claire, foulé dans les seaux jusqu'à ce qu'il ne sorte plus de lessive. Mis à sécher sur les filières du bateau, il sera rentré propre et sec le soir et rangé.

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      Le soir Gary vient partager mon repas. Nous parlons de la vie, la sienne, la mienne, pour faire plus ample connaissance. Je suis souvent limité par mon vocabulaire et j'ai souvent recours à mon dictionnaire électronique de poche. J'ai le sentiment de parler petit-nègre en anglais. Gary me reprend mais j'oublie de nouveau.

Gary Thwaites regagnant "Renegade"
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    Samedi matin Gary vient me chercher pour une promenade le long de la rivière Shiel (voir le sentier en rouge sur le plan en fin de paragraphe). C'est le déversoir dans le loch Moidart d'un loch d'eau douce en amont. La rivière est équipée de promontoires sur pilotis pour la pêche sportive au saumon quand c'est la saison. La rivière est slendide. Sujette à la marée dans sa partie basse, elle coule en amont entre des berges boisées. Parfois, un vieux pont.

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    Entre l'endroit ou nous avons déposé nos dinghies et l'épicerie où nous nous arrêtons pour quelques provisions, il y a presque six kilomètres.

La rivière Shiel
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Le château à marée basse


Cliquez pour agrandir l'image  Le château de Tioram, dans le loch Moidart, fût édifié au XIIIème siècle, de même que ceux de Mingary, Duart, Dunstaffnage et Kisimul sur l'île de Barra. Ils jouèrent un rôle important dans les querelles entre les rois d'Ecosse et les seigneurs des îles.
    Quatorze des chefs de Clanranald vécurent successivement au château.
    On a coutume de dire que Alan, le 14ème chef, eut le pressentiment de sa mort alors qu'il se préparait à rejoindre l'armée du comte de Mar lors du soulèvement  jacobite de 1715. Plutôt que de laisser le château à d'autres occupants, il ordonna qu'il fut brûlé.



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Le château à marée haute


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Le mouillage vu du château



    Samedi soir, Gary m'invite à son tour.
Gary, célibataire, 56 ans, grand-père par son fils né en Allemagne quand il était militaire là-bas. Cinq traversées de l'Atlantique à son actif,  et beaucoup de voyages lointains en camping-car. Il vit à bord de son bateau depuis pas mal d'années, un bateau en polyester de neuf mètres, quille longue, acheté à peine 5000 euros.




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Petit rouf arrière abritant le puits du hors-bord
qui peut servir de toilettes
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Le jardin de Gary


    Il a tout reconstruit à l'intérieur pour y vivre le plus simplement possible avec des matériaux recyclés et du matériel trouvé dans des poubelles. Le plus impressionnant, c'est le poêle. Un poêle à bois entièrement confectionné par Gary. Le haut du poêle est fait d'une vieille bouteille de gaz qui sert de four, les poignées sont en os de boeuf. Un serpentin autour du foyer envoie l'eau chaude dans une marmite de récupération en inox, un tube flexible en acier envoie la fumée au dehors.

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    Le bois, il le ramasse sur les plages ou dans les bois.
    Le rouf à l'arrière du bateau abrite le puits du moteur hors-bord, un 9.9cv deux temps qui fournit un peu d'électricité avec une éolienne et un panneau solaire (de récupération, bien entendu). Au delà du port, le moteur est rangé et le fond du puits bouché pour une meilleure glisse. Le coffre arrière avec son rouf sert alors de toilettes: un seau, bien évidemment.
    Jamais, il ne va dans des ports ni sur des bouées payantes.
   
    Le dernier travail de Gary remonte à deux ans. Il a travaillé trois mois comme maçon sur un chantier en Allemagne à 20 euros de l'heure, 60h par semaine. Il tient à me dire qu'il ne veut dépendre en aucune façon des allocations gouvernementales. Pour sa santé, il n'a jamais eu besoin de se faire soigner et pour le dentiste, eh bien, il règle le problème lui-même. Et ça se voit à son sourire évidemment.
 
Le nom de son bateau en dit long sur son programme

    Gary parle de la misère en Angleterre, celle des travailleurs. Il déteste ce système dans lequel les gens sont prisonniers. Lui ne se sent pauvre  en aucune manière. C'est un genre de vie qu'il a choisi, qui lui plaît et qu'il assume. Associal ? Non. Il a beaucoup d'amis. Il téléphone souvent à son père qu'il adore. D'ailleurs, il va aller lui rendre visite à Portsmouth avant d'aller passer l'hiver aux Caraïbes.

    Un moment durant notre dîner, il est rentré à l'intérieur du bateau pour en ressortir avec un livre, "The long way". L'auteur ? Je vais lui faire répéter plusieurs fois car je n'ai pas compris. Bernard Moitessier, bien sûr ! Il est fier de me dire que c'est une édition originale, la première en Anglais de "La longue route". Il connaît toute la vie de Moitessier, celle de Tom Neale aussi, un gars qui a vécu en solitaire sur un atoll des îles Cook durant une vingtaine d'années.

    Je me sens un tantinet galopin à côté de Gary. Je n'ai pas son envergure pour vivre en solitaire. Son genre de vie me plaît bien, c'est sûr, mais pour moi, ce serait avec une compagne. La solitude n'est pas mon lot si toutefois la compagnie me pèse aussi parfois. Je ne me sens pourtant bien plus proche de lui que des plaisanciers qui sont venus mouiller dans le Loch sans jamais y séjourner plus d'une journée et avec lesquels je n'ai eu aucun contact. Pas même avec l'Ovni 37 français de Cherbourg, mouillé à une encablure de Jaoul. Je ne me sens pas plaisancier mais plutôt  plaisantin à côté de Gary, avec mes envies de nomadisme.

Cette carte est à télécharger en cliquant dessus et zoomer ensuite
la promenade jusqu'à l'épicerie, marquée en rouge, est d'environ 6km





L'Ile de Canna


Mercredi 17 juillet, île de Canna

      Hier vers midi, j'ai quitté à regrets mon copain Gary. Il carénait Renegade sur la plage du Château de Tioram. Peut-être nous reverrons-nous à Barra où nous avons, l'un et l'autre, prévu d'aller ?
      J'ai repris le chemin à l'envers, délicatement, pour sortir du loch tandis qu'une famille d'oies cendrées croisait ma route.

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    Après avoir paré les impressionnants rochers qu'il faut raser de près pour sortir du loch Moidart, je n'ai pas été mécontent de retrouver l'eau libre.
    Cependant, le temps sombre voire menaçant m'a inquiété un peu. Cette humeur peu rassurante me saisit souvent quand je reprends la mer après quelques jours d'escale dans un endroit trop abrité pour que l'on ressente le temps qu'il fait au dehors. Elle s'est dissipée quand j'ai eu fini de prendre le deuxième ris dans la grand-voile. Force 4 ou 5 de sud-ouest.
    Puis je me suis dépêché de me connecter à Internet pour mettre à jour ce site et recevoir des nouvelles, car si je n'ai pas eu de réseau durant une semaine, je soupçonnais de ne pas en avoir à Canna. Et j'ai bien fait parce qu'ici, il n'y a rien d'autre que 5 postes Wifi dont aucun n'est disponible sans mot de passe.

      Je suis dans Canna Harbour sur ancre et il n'y a qu'un mètre sous la coque à marée basse. Je m'attends d'un jour à l'autre à toucher le fond de sable puisque la marée croît.
    Comme souvent dans les ports ou les abris, des bouées payantes (ici, 10£ la nuit) sont disposées partout où un bateau peut mouiller. Le mouillage sur ancre est donc relégué à la marge, là ou c'est inconfortable voire scabreux de mouiller.
    Le brouillard, qui hier s'était maintenu à mi-colline, s'est vautré aujourd'hui. Il fait sombre, on ne voit pas à deux encablures; une moiteur froide colle au visage et condense sur les cheveux. Un temps à ne pas mettre un marin à terre.

Hier, dans le détroit entre Rum et Canna,
des macareux moines...
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... un vieux gréement dans le brouillard
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L'entrée de Canna Harbour dans le brouillard...
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... à  l'entrée, des phoques
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Dans le port, des guillemots à miroir blanc...
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... des eiders à duvet
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... un mâle
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... une femelle

... un grand labbe, oiseau qui en parasite d'autres
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... une vieille église
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...  et puis, au retour du pêcheur, un phoque vient réclamer sa pitance
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    Il m'a fallu deux jours de travail à Loch Moidart pour trier, recadrer, mettre en forme les photos, rédiger le texte pour préparer la mise à jour du site. Ca prend du temps. Certes, je ne suis pas un garçon rapide mais je m'en accommode... Enfin, j'essaie !

    Oui, parce que le temps passe. Dois-je attendre un rayon de soleil, ou simplement une meilleure visibilité, pour aller visiter Canna et prendre des photos ?
    En effet, l'heure du retour approche.
    J'étais parti pour vagabonder jusqu'en septembre, mais quand j'ai su que ma petite fille Salomé allait passer tout le mois d'août à la maison, j'ai eu envie de l'inviter à bord du bateau pour les deux dernières semaines du mois. Donc, je prévois d'être à Port-Bail vers le 15 août pour l'accueillir et visiter Chausey, les Ecrehou ensemble.
  J'aime voir mon bateau habité, j'aime qu'il serve de base pour découvrir un littoral.
  Du coup, mon temps en Ecosse est compté. Il ne me reste qu'une quinzaine de jours pour aller à Dunvegan, puis passer le détroit de Harris pour gagner St Kilda. Redescendre ensuite à Barra, aller à Coll (oui Coll, Adrinagour, là où j'ai situé ma rencontre avec Louise Mc Leod, mon personnage dans "Jaoul avant le grand départ", j'aimerais reconnaître sa maison), puis à Tinker'hole. Puis une autre quinzaine  pour redescendre le long de la côte ouest de l'Irlande, dont je connais les abris et possède les cartes.

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L'archipel de St Kilda

   
Jeudi 18 juillet, Canna harbour

    Alors que je souhaite visiter Canna, un brouillard dense me fait renoncer. Attendre la levée de cette poisse peut prendre plusieurs jours encore. Mais voilà, sortir de l'abri dont je ne vois pas l'entrée et prendre la mer me rend anxieux et me fait douter de la justesse de l'entreprise. Je suis prêt depuis 8 heures du matin guettant la moindre amélioration de la visibilité, quand à 10 heures, deux voiliers lèvent l'ancre. Sans réfléchir de trop, je lève l'ancre à mon tour pour leur filer le train.
    La sortie du port se passe bien, une encablure et demie de visibilité voire deux, c'est bien suffisant pour manoeuvrer à la vitesse où vont nos voiliers.
    Grand largue dans la brume, le bateau chuinte gentiment sur l'eau calme qui apporte le moindre bruit et ma tension tombe. Je suis content d'avoir osé.
    La direction, c'est Loch Maddy. J'ai fait une croix sur l'escale à Dunvegan. L'intérêt de passer la nuit à Loch Maddy, c'est d'embouquer de bon matin le détroit de Harris pour croiser ensuite jusqu'à St Kilda.

    Dans l'après midi, le soleil chasse la brume. J'en profite pour me laver entièrement. Savonnage à l'eau salée. Rinçage à l'eau salée. Epongeage soigneux. Dessalage à l'eau douce, pour finir.
    Je fais mes calculs. Depuis le dernier plein d'eau, à Corpach le 17 juin dernier, j'ai consommé en moyenne 5,5 litres d'eau par jour. Ce qui me donne encore deux mois d'autonomie avec ce qu'il reste en citerne.

    Le loch Maddy est vaste. Le hameau près du port, là-bas au loin. Je m'en souviens, je suis passé ici il y a trente ans.

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Le mouillage près du quai est plein. Je vais mouiller dans une crique derrière.
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Le mouillage de loch Maddy
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Au matin vers la sortie du loch, sans vent.
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    Dans Harris sound, il y a deux chenaux. Le sud, celui que j'emprunte, s'appelle Cope passage. Bien balisé au début, il me laisse sans repère au beau milieu de bancs et de roches affleurantes après la bouée n°5. Les boues manquantes sont pourtant présentes sur les cartes. Il faut naviguer au GPS en suivant les sondes.

    Midi, grand soleil et pas de vent. Repas: patates sautées, pâté Hénaff, un verre de vin rouge boisé, un yaourt à la grecque avec sucre non raffiné.
    
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  A 13 heures, je coupe le moteur au sortir du passage entre l'île de Shillay et celle de Pabbay. Un voilier au moteur, embouque le passage nord du Harris sound. Il vient manifestement de St Kilda.

  St Kilda, 42 milles, le territoire le plus à l'ouest de la Grande Bretagne. La grande houle océanique, comme un souffle puissant, venue de l'autre côté de la mer, brise sur la côte dans une rumeur continue.
    Vitesse 0,9 noeuds. Soit 47 heures de navigation pour y parvenir.
J'accepte cette lenteur. St Kilda, c'est comme traverser le Pacifique depuis Panama jusqu'aux Marquises, on ne penserait pas mettre le moteur. Aller à St Kilda, c'est pareil. C'est se mettre dans les conditions que la mer veut bien nous donner. On n'accède pas à une île inaccessible en touriste mais en pèlerin et pour le pèlerin, c'est le trajet qui compte, la marche permet au coeur de se réjouir de simplement être en chemin. Ainsi le vent faible permet l'attention au silence qui amène mille et un petits bruits de la vie, laisse les choses se décanter et permet d'être présent au présent. Avec un vent faible, une île inaccessible permet qu'on y accède. Elle devient une île au trésor, celui qu'on a dans le coeur depuis l'enfance.
    A 17 heures, on passe au dessus de 2 noeuds et je suis content. Je viens de parcourir 4,3 milles en 4 heures. La rumeur du ressac décroît. Température de l'air à l'ombre: 17°C, à l'intérieur du bateau: 21°C. Le ciel est bleu et le soleil est ardent.
    A 18 heures, je change le yankee pour le grand génois, histoire de moins perdre de vent. En même temps le vent monte force 3, l'éolienne commence à tourner.
    A 19 heures, il reste 32 milles à parcourir. A 3,3 noeuds de moyenne, il y en a pour 10 heures et l'arrivée se fera vers les 5 heures du matin.
    A 23 heures, soleil rouge sur l'horizon, j'aperçois Boreray (384m) et Hirta (430m), l'île principale de l'archipel de St Kilda. Je viens de parcourir 9 milles en 6 heures, soit à la vitesse de 1,5 noeuds (2,8 km/h).


Samedi 20 juillet, 4h10 du matin

    La vitesse est de 0,6 noeuds. St Kilda impose sa présence.
   
 
Boreray d'abord...
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Hirta ensuite...
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et Jaoul se fait accepter, tout doucement.
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    Il est 7 heures du matin, je suis à l'avant et Jaoul  va  légèrement plus vite que les méduses qu'il croise.
    Le rose du nuage est posé sur le vert austère du rocher Levenish, le ressac gronde au pied de sa muraille. Des océanites courent sur l'eau, je n'en avais pas vu depuis l'Irlande en 2009. Des fulmars rasent l'eau; des macareux, ces petits pierrots de la mer, vont par quatre et des petits pingouins torda, tout ce petit monde s'active, la journée commence. 
   
Le fulmar boréal...
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le petit pingouin torda.
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le macareux moine...
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    A 8 heures 15, j'ancre dans village bay par 8 mètres d'eau sur fond de sable. Mais avant, j'ai quand même du mettre le moteur, en vitesse réduite afin de garder du silence pour pénétrer dans ce sanctuaire de grande nature dédié aux oiseaux parce que, sans vent je dérivais vers le nord entre Boreray et Hirta tout en approchant de la grande muraille de Hirta. Et mouiller à son pied dans 50m d'eau pour arrêter la dérive, n'était pas possible.
    Deux voiliers sont déjà dans la baie. Ils sont arrivés au moteur. Je le sais car il m'ont dépassé dans la nuit.

    Avant de descendre à terre visiter cet ancien village...
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... des oiseaux encore, dans la baie tout près.
   
Un fulmar boréal de face...
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de profil...
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un cormoran huppé...
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et le croupion d'un guillemot de troïl.
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    Ensuite, je descends à terre pour prendre la mesure de l'endroit qui fut habité depuis le néolithique.
    Voici Village bay, une baie qui laisse entrer la houle atlantique rendant l'île difficilement accessible. Les moutons sont sauvages. Présents depuis le néolithique sur l'île de Soay, puis rapatriés sur Hirta, ils n'ont subi aucun croisement depuis. Les abris de pierres, les cleits ou cleitean servaient d'entrepôt pour garder la viande des oiseaux capturés, des fous de bassan en majorité dont les habitants se nourrissaient.
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La rue
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Les maisons
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La seule rue du village
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un cleit
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Un enclos
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La baie du village
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Jaoul dans la baie
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Vue panoramique de Village bay
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    Il est 18 heures ce samedi quand je quitte Village bay. J'étais le seul voilier à rester au mouillage, j'avais l'intention de dormir ici et de ne partir que le lendemain. Mais la houle m'a semblé plus importante qu'au matin malgré un temps ensoleillé au vent faible. Cependant,  elle pouvait s'intensifier dans la nuit m'obligeant à lever l'ancre.
    Il y avait une autre solution, c'était de mouiller derrière l'île dans Glen bay. Je n'y croyais pas beaucoup mais l'idée de faire le tour de l'île me séduisit.
   
    Pour être plus manoeuvrant, je ne mets pas les voiles et reste au moteur pour contourner la première paroi rocheuse. Impressionnante muraille, et Boreray un peu plus loin, impressionnante aussi. Le vent, faible jusqu'ici, se met à souffler. Au nord de l'île, un vent chaud s'abat avec violence en soulevant des embruns. Bien que les fonds soient profonds au pied de la muraille et le vent nul, les à-pics vertigineux ne m'incitent pas à approcher.
 
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    Quand je passe devant Glen bay, la vallée et l'échancrure de la baie précipite le vent furieux. Un peu de blanc au pied des rochers montre que la houle est présente. Je poursuis ma route.
   
 
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    Maintenant Soay. Vent force 7. La muraille, les à-pics. Comment des moutons ont-ils pu se maintenir durant des millénaires sur ce caillou qui semble n'être que pointes acérées et  failles profondes ?
    Des centaines d'oiseaux tournoient au dessus de ma tête, des fulmars surtout. Puis un grand labbe fond sur une mouette tridactyle tentant de lui faire rendre le poisson qu'elle a dans le jabot. En vain, pour cette fois !

    Je vais plein sud le long de la côte ouest de St Kilda, un vent puissant et chaud dans le nez. Le temps a-t'il changé à ce point, ou bien est-ce l'effet de brise thermique crée par l'échauffement diurne du rocher ? Il faudra que je sois assez éloigné de St Kilda pour retrouver des conditions de vent qui me permettront de hisser les voiles et d'envisager la nuit qui vient d'une manière plus sereine.

   
Pour plus de renseignements sur St Kilda voici le lien avec Wikipédia :
St Kilda

Jaoul autour de St Kilda


St Kilda.png





De St Kilda à Castelbay (île de Barra, Hébrides extérieures)


Samedi 20 juillet

    J'entame ma deuxième nuit sans sommeil en direction de Barra, l'île habitée la plus au sud des Hébrides extérieures. Le vent est au sud-est, Jaoul est au près et fait un cap au 180°. On revient de St Kilda comme on est venu: lentement, silencieusement.

    La nuit s'est passée au près dans un vent de force 2 à 3, barre immobilisée au centre par le vérin électrique du pilote laissé inactif. J'étais allongé sur mon lit dans ma cabine et je n'en sortais que toutes les 20 minutes pour regarder dehors. Je ne dormais pas. J'ai allongé mes périodes de repos à 1/2 heure. Je n'ai pas dormi pour autant. Seulement reposé, et réchauffé sous la couette. Je n'ai croisé aucun bateau.
    Dans la deuxième moitie de la journée de dimanche, le vent faible est devenu plus instable nécessitant des réglages répétés.

    Par tout petit temps, le bateau a tendance à abattre. Il faut lui donner un angle de barre sous le vent plus important pour l'équilibrer et réduire cet angle dès que la brise monte un peu. Pour cela, la barre est tenue par une chaîne de trois anneaux taillés dans une chambre à air de tracteur. Il suffit de tourner le dernier anneau sur la barre pour régler l'angle.


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    J'approche de  l'île de Barra, le vent se renforce jusqu'à force 4. J'ai renoncé à prendre le Sound of Barra, ce qui m'aurait fait gagner quelques milles parce que j'ai craint d'y rencontrer un vent debout m'obligeant à mettre le moteur. Je me dirige donc vers le sud des îles pour embouquer le premier passage libre, celui entre Vatersay et Sandray.
   
    Puis le vent me lâche d'un coup et voilà Jaoul qui se met à cliqueter de partout et ses voiles battent au rythme de la houle. Non, il est hors de question de passer une nouvelle nuit en mer. Il ne reste que 2 milles avant d'embouquer le sound de Sandray, ce qui ne peut se faire qu'au moteur tant il est délicat à emprunter surtout à contre courant.

      J'ai mis le moteur à 20 heures et à 22 heures 15, je mouillais dans la baie de Castlebay.


Le trajet fait à la moyenne de 2,4 nds
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L'arrivée sur Castlebay (île de Barra)
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    J'ai mouillé sur ancre pour ne pas prendre de bouée et je suis obligé d'affourcher et de mettre un troisième mouillage à la poupe pour ne pas risquer de heurter les bateaux proches, à l'évitage. Le vent est nul et chacun des bateaux s'oriente selon son bon plaisir. J'allais ainsi vers un bateau français en aluminium, un bateau équipé pour le voyage.

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Lundi 22 juillet, Castelbay,  île de Barra

    Le lendemain de mon arrivée, une femme sur le voilier français cherche à me parler. Comme la voix porte mal et oblige à hausser le ton, nous convenons de nous retrouver à bord de Gwenn-Ha-Du pour parler à notre aise.

    La femme, c'est Anne, et son mari Jean-Pierre. Le bateau que j'ai pris pour un Damien est un Globe-Flotteur 40 du chantier Méta.
    Anne et Jean-Pierre sont partis du Croisic voici trois ans pour un voyage dans les îles Britanniques et la Norvège. Ne parlant anglais ni l'un ni l'autre, ils ont d'abord hiverné à Plymouth pour s'immerger dans l'univers anglo-saxon afin d'en connaître la langue et les usages.
  Ils visitèrent ensuite l'Irlande et hivernèrent à Coleraine en Ulster. Un moment inoubliable de rencontres et de partage. Je leur laisse la parole en vous invitant à visiter leur blog.


Jean-Pierre
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http://gwen-ha-du.over-blog.fr

Anne
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    En montant à bord de Gwenn-Ha-Du, je découvre un bateau vaste et bien éclairé. Il me semble connaître ce bateau. Oui, je me souviens. J'avais déjà acheté Jaoul quand je l'ai vu à vendre près de Valence. J'avais regardé les photos de l'annonce, le descriptif et je m'étais dit que c'est ce bateau-là que j'aurais acheté s'il avait été à vendre six mois plus tôt. Mais je suis heureux qu'il fasse le bonheur de ces gens sympathiques qui sont devenus, en peu de temps, des amis.
 
    Nous avons parlé six heures durant, tellement nous étions intéressés par la vie de chacun d'entre nous.  Qu'est-ce qui amène à 56 ans à vendre sa maison pour acheter un voilier et vivre dessus en voyage toute l'année ? Beaucoup en ont le rêve, mais combien le réalisent ?
    Je me suis plu en compagnie d'Anne et de Jipé. Tiens voilà que j'utilise son diminutif ! Ben, c'est que je me sens proche, quoi !

    Le lendemain, mardi 23 juillet, c'est moi qui les invitais. Nous avons ri de ma gaucherie à faire la cuisine pour des invités.

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Mercredi 24 juillet, Castelbay, île de Barra

    Jipé Anne et moi nous sommes promenés ensemble
    Nous avons échangé des livres aussi. Une idée de Jipé: noter le nom du bateau sur la page de garde. Ainsi d'échange en échanges, on peut suivre la trace du livre à bord des bateaux sur lesquels il a été lu.
    Deux livres reçus du Gwenn-Ha-Du proviennent, l'un du Rara-Avis du père Jaouen et l'autre du voilier Kochise.

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Jeudi 25 juillet
 
    Ils sont partis de bonne heure pour aller à Canna. Moi, je suis resté pour finir de rédiger cet épisode de navigation et de le mettre en ligne grâce à une connexion WIFI avec un bon débit.
    Et demain, je lève l'ancre pour l'île de Coll, Adrinagour, le lieu ou vivait le personnage de Louise Mac Leod dans mon roman Jaoul avant le grand départ.
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Bonne route Anne, bonne route Jean-Pierre et à bientôt !


Castlebay, Barra
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Vendredi 26 juillet

    Je quitte Castelbay, île de Barra, après avoir rencontré John la veille au soir.
    C'est en pyjama et précipitamment que je suis sorti  quand j'ai entendu cogner contre la coque. Il était dix heures, j'étais déjà couché et à moitié endormi pour me lever de bonne heure et déraper afin de profiter d'une longue journée peu ventée.

    John Hart possède un voilier français de type Maracuja un dériveur intégral en alu qu'il a acheté à Perros-Guirec deux ans auparavant. Il habite  à Iochdar, South Uist ou il tenait une petite fabrique de bijoux aux motifs celtiques. Son bateau hiverne dans une anse à côté de sa maison.
    Il voulait m'inviter à bord de Am Frangach mais c'était trop tard pour moi. Nous avons donc bavardé à bord de Jaoul qu'il a voulu visiter. Cet homme, que j'ai à peine connu est très intéressé par les bateaux français, particulièrement les dériveurs en aluminium, et les français bien sûr. Le nom de son bateau Am Frangach veut dire Le Français en gaélique. Il m'a laissé ses coordonnées afin que je le contacte si jamais je revenais trainer ma coque en Ecosse.
    Je suis sûr que cet homme serait ravi si un navigateur de mes compatriotes venait lui rendre visite. Voici donc son adresse mail :


John M. HART
Iochdar, South Uist
johnmhartarobaselive.co.uk



   
Je quitte Castelbay avec un suet bien faible.
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L'ïle de Coll (Small Isles)


Samedi 27 juillet, Arinagour (loch Eatharna), île de Coll


   
Le trajet
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    Ce fût un trajet de 45 milles effectué en 12h30 (3,6 noeuds de moyenne) en tirant des bords dans des petits airs de suet, dans la brume la plupart du temps pour passer par le nord de Coll car il n'a pas été possible de prendre le Gunna sound entre Coll et Tiree. Le vent m'a lâché complètement devant le passage nord de Coll où il y avait un courant contraire assez fort. C'est au moteur que j'ai longé la côte est pour aller jusqu'au loch Eatharna.


Voici photographié au nord de Coll, un puffin des Anglais au décollage...
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puis un fou de Bassan.
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    L'ïle de Coll est chère à mon coeur car c'est ici à Arinagour qu'habitait Louise Mac Leod, la vieille dame qui était tombée amoureuse de Lapin; c'est ainsi que se nommait ce navigateur dans mon roman Jaoul avant le Grand Départ. J'ai cherché sans pouvoir retrouver sa maison. Louise est morte, il y a une dizaine d'années maintenant, sa maison a du être vendue et transformée. Ensuite, j'ai cherché le cimetière près des deux églises. Pas de cimetière.
    C'est dommage, j'aurais bien aimé voir écrit sur une pierre :

In loving memory
of
Louise Mc Leod
died 3 march 2002
aged 82 yrs


    J'aurais pu pleurer. Quand on passe tant de temps avec le personnage d'un roman, il devient si proche qu'on ne serait pas surpris de l'avoir devant soi en chair et en os. Sauf si on l'a fait mourir dans le roman, évidemment !


Arinagour vu depuis Jaoul à l'ancre
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Un ruisseau
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La jetée où l'on débarque
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L'ancienne  jetée
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Essayez donc de prononcer Arinagour en anglais bien sûr. Je vous fais grâce du nom gaélique.
Ca donne à peu près ceci: "Eulouineugahouheu"


  Arinagour est l'endroit visité il y a trente ans qui a le plus changé. Le nombre de maisons a doublé, des résidences d'été, et chacun vient avec sa voiture, en majorité des 4x4. Les routes de terre battues sont goudronnées à présent.
  Mais l'endroit reste tranquille, agréable par la qualité de son silence et la gentillesse de ses habitants. Chaque personne croisée en voiture m'a salué au passage.

La rue principale
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Est-ce qu'il buvait ? En tout cas, il enlevait ses chaussures sans les délacer !
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D'autres  pompes
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Le fond du loch Eatharna
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Il y a des moutons partout dans les îles, je ne sais pas ce que les Ecossais en font.
La seule fois où j'ai vu de la viande de mouton dans une boutique, c'était importé de Nouvelle Zélande.
Et pas de fromage de brebis non-plus. Reste la laine !

Jaoul et les moutons
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Loch Eatharna
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    Coll est une île propice aux vacances. Elle est peu élevée. En accrochant moins les nuages. il y pleut moins souvent. Sa côte ouest est bordée de plages de sable. J'aime cette roche qui affleure partout dans la lande. J'aime la bruyère en fleur, il y en a partout !

    Demain, je quitte Coll à regret pour ma dernière escale en Ecosse, Tinker's hole, un endroit resserré entre l'île de Mull et l'île d'Iona. Enfin, si le vent veut bien souffler un peu et dans le bon sens si possible !


Encore un fou !




   

°°°°° Parcours de Jaoul dans les Hébrides °°°°°

  



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L'île d'Iona et Tinker's hole


Dimanche 28 juillet

    Je lève l'ancre pour Tinker'Hole. C'est une escale que je tenais à faire car je l'avais supprimée de mon programme de croisière en Ecosse, il y a trente ans, par manque de temps. C'est ma dernière escale en Ecosse.

    Tinker's hole est un trou (50 à 70m de large et jusqu'à 200m de long) entre les rochers d'une petite île nommée Erraid collée à marée basse à la grande île de Mull au débouché du passage entre celle-ci et l'île de Iona.
   
    Je suis parti de Coll avec l'espoir de venir tout près de l'îlot Staffa qui est constitué d'orgues basaltiques, une curiosité qui mérite le détour. Mais, le vent n'étant pas au rendez-vous, j'ai du faire route directe, et au moteur, pour embouquer le Sound of Iona, détroit entre  l'Ile de Iona et  celle de Mull à marée descendante pour avoir le courant portant. Un passage qui nécessite une navigation précise si on ne veut pas s'échouer sur le banc de sable invisible, qui barre le passage à parfois moins d'un mètre sous l'eau.
    Puis devant Martyr's bay, j'ai jeté l'ancre pour attendre l'étale de marée basse afin d'enter dans Tinker'hole avec le début du flot.

Une vue panoramique de Iona
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La cathédrale abbaye
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Martyr's bay
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Un vol d'oies cendrées remonte le "sound of Iona"
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    Pourquoi une cathédrale sur une petite île avec si peu d'habitants ? Parce que c'est le siège d'un évêque. Iona est un haut lieu du christianisme des débuts. C'est de l'abbaye de Iona que des moines Irlandais sont partis évangéliser la Grande Bretagne et la petite Bretagne (voir l'histoire de St Malo ou Maclou, Mac Low ou bien Mac Leod, enfin ce gars d'Erin ou d'un pays des Gaèls compagnon de St Brandan le navigateur, venu évangéliser la ville d'Aleth et sa région). Donc, c'est normal que ce haut lieu de l'Eglise catholique soit constitué en évêché.

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Le Sound of Iona
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Tinker's hole
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    Ce mouillage entre les rochers roses, dans de l'eau cristalline avec des plages de sable fin est l'un de mes trois mouillages préférés. J'aurais aimé y rester au moins une semaine, histoire de faire le tour de la multitude de petites criques, d'escalader chaque rocher, d'enfoncer mes pieds dans  le  sable blanc des plages vierges, d'y robinsonner de bon coeur.

L'entrée de Tinker's hole
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Vue d'ensemble
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Jaoul vers l'entrée
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La plage vierge
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La plage foulée
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Derrière Tinker's hole et Iona au loin
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Lundi 29 juillet

    Je lève l'ancre après avoir retendu la courroie de l'alternateur et tenté de décaper les contacts des bougies qui préchauffent le moteur Diesel.
    J'oubliais: j'ai eu à bord Cully (alias Culbert) Pettigreen, skipper solitaire du bateau "Papillon of Carden". Un négociant d'art de Glasgow au chômage après le décès de sa compagne Shirley. Encore des discussions soutenues en anglais dont je faisais répéter les phrases tellement il parlait vite. Il n'a pas voulu manger de mon pain d'épices prétextant qu'il devait être mouldy depuis mon départ de France, il y a deux mois. Il a passé au moins un quart d'heure à m'expliquer ce que mould voulait dire. Comme si mon pain d'épices était moisi ! Non mais !  Je l'avais ouvert depuis une semaine et aucune moisissure n'était apparue. Je sais bien voir le moisi quand même  ! Et puis, j'en bouffe bien des saloperies depuis deux mois, leur pain mou et pas cuit, leur confiture à 15% de fruits, le reste c'est des produits chimiques. Alors que mon pain d'épices, il est bio, lui !




Tory island (Donegal, république d'Irlande)


    Du Lundi 29 juillet à 16h40 au  mercredi 31 juillet à 10h, heure d'arrivée à Tory Island, j'ai battu mon record de lenteur. J'ai parcouru 90 milles à la vitesse de 2,2 noeuds (soit 4 km/h).

Mais j'ai vécu, le premier soir, un superbe coucher de soleil.
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Le trajet de l'Ecosse à l'Irlande
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Tracé d'un voilier encalminé
(le tracé du triangle représente une dizaine de milles
  et une dizaine d'heures à tenter de capter le moindre souffle d'air)
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Mercredi 31 juillet

    Dans la nuit, le vent d'ouest me permet d'aller bon train. Mais je suis obligé de réduire la toile pour ne pas arriver de nuit sur Tory Island.
    Peine perdue. Le vent change de direction ensuite et je dois tirer des bords.
    A dix heures, je suis dans le port de Tory Island. Je passe un temps fou à m'amarrer au quai près d'un escalier quand un type me demande de me mettre ailleurs. Le coin qu'on me conseille est difficile d'accès en marche arrière mais très bien protégé. Le quai est trop haut pour que je puisse grimper dessus et personne pour me tenir l'amarre.
    A midi je m'écroule sur ma couchette pour 5 heures de sommeil.
    J'ai pu dormir deux heures par tranches d'une heure la nuit précédente grâce à la veille radar et à son alarme.


L'arrivée sur Tory Island
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Le village de l'est depuis la mer
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Jaoul dans son coin derrière la jetée
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Le port vu depuis la terre
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Jeudi 1er août

    Visite de l'île.
    4 kilomètres dans la plus grande longueur et pas grand chose dans sa largeur.
   
Cliquer sur le plan de l'île pour le consulter



    Ce qui frappe au premier abord, c'est le nombre de voitures. Il n'y a qu'une seule route. Comme les maisons, elles vont de la voiture neuve à la ruine roulante (état le plus répandu) pour finir dans un champ ou sur le bord de la route ouvertes aux oiseaux.



Voici West Town, le centre du village devant le port

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Le seul monument historique de l'île
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    Bien que les habitats, les traditions soient semblables, l'Irlande ne ressemble pas à l'Ecosse. La différence se voit dans le niveau de vie. Avec des paysages aussi beaux que ceux des îles Ecossaises, les îles d'Irlande, à part  les îles d'Aran et quelques îles du sud, ont du mal à promouvoir le tourisme. Pourtant ce n'est pas faute d'essayer. On voit sur Tory, des chemins balisés à neuf, des bancs vides au bord des chemins, des boites à ordures neuves au milieu de nulle part. Mais au bateau-navette, ils sont deux ou trois touristes à débarquer le matin pour rembarquer le soir. Les deux hôtels ne restaurent que les locaux et les vacanciers qui ont une résidence sur l'île.

Voici East Town, le hameau de l'est
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Et des maisons pimpantes...
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d'autres moins.
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L'entrée en forme de sas, répandue ici.
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La carte postale devant...
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la réalité derrière.
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Cette dernière photo pour montrer l'ambiguïté de cette île ou l'on voit des construction neuves, des maisons retapées, mais aussi des bungalows, des ruines et des maisons abandonnées à demi-construites.

    160 personnes vivent sur Tory et bénéficient  des services publics d'une société moderne. Ca coûte cher au pays et c'est pour cela qu'il a été proposé aux habitants un déménagement sur la métropole. Ils ont refusé et ont élu un roi pour défendre leurs intérêts. Combien de temps pourront-ils se maintenir sur l'île quand les champs ne sont plus exploités, les pêcheurs sont au nombre de trois, les hôtels à moitié vide ?  La plupart des habitations sont des résidences secondaires appartenant à des gens qui ont, ou on eu, des attaches sur l'île. Et les touristes ? Des descendants d'habitants, comme cette canadienne rencontrée sur le chemin du phare qui vient voir là où est né son grand-père qui de Tory, s'exila au Canada.

    De Tory, mais on pourrait dire de même d'Inishbofin ou de Gola, on a l'impression d'un essai de développement qui ne prend pas. De quel côté va pencher la balance ? C'est déjà fait pour nombre d'îles désormais désertes. Cependant, il n'est pas interdit de continuer d'habiter un lieu isolé, mais à chacun d'organiser sa propre survie. 


Un autre aspect de Tory, le kitch religieux
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Des paysages


L'ancien môle à l'est de l'île...
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à l'ouest, un muret de pierres scellées à la terre
qui bordait les champs autrefois.
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Vendredi 2 et samedi 3 août, Tory island, Donegal, Republic of Ireland

    Je profite d'un coup de vent qui me tient à l'abri dans le petit port de Tory Island pour mettre à jour cette rubrique. Mise-à-jour ne veut pas dire que vous aurez de mes nouvelles bientôt, non. Pour ce faire, il aurait fallu que ma clé 3G soit couverte par le réseau à Iona ou à Coll. Les Hébrides ne sont pas  couvertes par la 3G, la 2G tout au plus qui ne permet pas de mettre à jour un site Web. Reste la Wifi. Et c'est au petit bonheur la chance. Pour couronner le tout, ma clé 3G n'est couverte que dans le Royaume Uni et là je suis en République d'Irlande. Donc, ne vous attendez pas à avoir de mes nouvelles avant que je sois parvenu aux îles Scilly (si celles-ci sont couvertes par la 3G), ou en France, ce qui ne sera que dans une quinzaine de jours si le temps le permet.


Samedi 3 août

    Le coup de vent dure depuis avant-hier soir. Jaoul est rudement secoué dans le port malgré l'abri. Une amarre a lâché dans la nuit. Ragage contre la bordure du quai. Mais sans dommage car Jaoul est bridé de partout afin de ne pas cogner sur le mur du quai, surtout à marée basse où l'éolienne s'en approche d'un peu trop près.

    J'aime ces escales dans les ports où le yachtman n'est pas attendu: voir le mouvement des bateaux, les gens qui s'affairent, la vie du port, la vie tout simplement. J'aime ces îles qui n'on pas encore basculé dans un tourisme ripoliné.

    Maintenant, se pose la question du retour en France avec trois jours de retard sur le programme. Escale ou pas escale sur le trajet?

    Pour une fois, un gars des Malin head coast guards parle anglais lentement et sans bouffer ses mots. Donc, je pars demain matin avec peut-être du vent d'ouest. Ce qui m'arrangerait mieux que le sud-ouest qui m'oblige à tirer des bords jusqu'à Erris head. En principe, la dépression s'évacuant vers le nord-est, le vent tourne dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. Alors, ça va être une galopade au portant.





Retour par la côte ouest de l'Irlande


Mardi 6 août, Inishbofin, comté de Galway, Irlande

  Je suis parti Dimanche à 15h de Tory Island.
Le coup de vent a duré deux jours.
Durant le coup de vent, mes amarres ont sérieusement ragué contre les murs du quai. J'ai pensé à les fourrer mais ça n'a pas bien marché. Elles sont difficiles à enfiler dans les tuyaux en plastique qui servent de fourrure et ne restent pas en place. Faut-il ouvrir le tuyau et le refermer sur l'amarre avec des lacets?  Je n'en ai pas l'expérience. J'ai pu voir durant ce coup de vent que même tournées aux taquets du bateau, il y avait des traces d'usure.

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Au sortir du port de Tory, le vent est orienté au sud-ouest pile dans la direction opposée à celle qui permet de doubler l'île Eagle, près d'Erris Head, avant de pouvoir faire du sud et bénéficier d'une allure de prés. J'avais espéré un nord-ouest normal en fin de dépression, mais il ne viendra pas.
    Moteur donc, puis voile et moteur afin de doubler Arran More.
    Je passe devant la côte du Donegal que j'ai visitée en 2009: Gola, Inishkeragh, Inishmeane là où habite Suzanne et sa famille. Là-bas Bunbeg, plus loin Burtonport.

    Puis après Malin More head et l'Île Rathlin O'Birne, c'est la grande baie du Donegal. Voile seule au près serré quand le soleil se couche. Puis je tire un bord vers le nord-ouest pour me recaler sur ma route et éviter ainsi de tomber sur la côte sud de la baie qu'il me faudrait remonter en tirant des bords avec le risque d'avoir un courant contraire.

    Le soleil se lève en vue de Erris Head, la pointe avancée du Comté de Mayo.
    Une pensée pour la petite postière de Killala qui corrigeait mon anglais.
  J'ai fait des séjours d'une heure sous la couette durant la nuit, je me suis reposé mais je n'ai pas dormi. Le radar n'a pas sonné une seule fois.
    Puis, Erris Head.
    Après Eagle Island c'est plein sud. J'ai hâte d'être au tournant  où  j'espère un vent de travers.
    Que nenni !
    De l'ouest, il passe au sud-ouest. Il retournera à l'ouest après Achill Island, dans la soirée, en montant un peu. Jaoul  ira jusqu'à 7 noeuds me faisant espérer mouiller à Inishbofin avant la nuit.

Première partie du parcours
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Deuxième partie du parcours
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    Pourquoi Inishbofin ? Parce que je connais l'endroit pour y être allé deux fois. Parce que l'île est sur ma route. Tout autre endroit me ferait faire un détour.




    Le temps de faire le tour de l'île, de ses rochers et îlots adjacents par l'ouest, il fait presque nuit quand je prends l'alignement d'entrée au 32° vrai. Le temps de ferler les voiles, de préparer le mouillage, de démarrer le moteur qui refuse plusieurs fois à cause de son préchauffage défaillant et la nuit est complète.
  L'alignement d'entrée n'est plus visible. Juste une petite lumière rouge dont j'ignore l'utilité et un feu à éclats blancs sur une tourelle qui signalise la roche qu'il convient de raser en entrant dans la baie. Je me guide à la trace GPS sur l'écran. On est marée basse, un rocher doit affleurer ou presque sur bâbord.
    Donc, je rase le rocher à la tourelle à l'éclat blanc. C'est quand je perçois la forme du rocher avec sa tourelle que je me rends compte que le feu rouge est passé au vert.
    Gros ballot, que je suis de ne pas y avoir pensé plus tôt ! Et surtout de ne pas avoir persisté dans mon déchiffrement de l'anglais du guide nautique sur l'Irlande. C'est un feu à secteur. Le blanc entre le rouge et le vert pour me faire tirer sans souci.

    Il est 23h30 quand l'ancre tombe dans Bofin Harbour. Je viens de parcourir 132 milles à la vitesse moyenne de 4,1nds et je suis fatigué d'avoir du régler Jaoul sans cesse à cause du vent instable en force et en direction.




    La Météo, ce soir, n'est pas engageante pour que j'aie envie d'avaler demain plus d'une centaine de milles plein sud jusqu'aux péninsules du Kerry: vents variables en force et en direction. Et en plus il va pleuvoir !


Mercredi 7 août, Inishbofin, comté de Galway, Irlande

    La carte météo des vents (fichier Grib) que j'ai téléchargée ce matin, m'incite à rester à Inishbofin jusqu'à demain jeudi après-midi.
    En effet, un vent frais de sud s'annonce pour cette nuit et la matinée de demain. Inutile de tenter de remonter un pareil vent.

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    Ensuite les vents portent jusqu'à vendredi soir. Je pense être arrivé dans le Kerry à ce moment-là. Un petit épisode de vent contraire samedi en journée et puis ça devient franchement portant pour la semaine suivante, de quoi franchir la mer Celtique et la Manche sans traîner.

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Dimanche 11 août, Crookhaven, comté de Cork, Irlande

  Je suis arrivé dans cet abri hier soir perclus de fatigue.
  Où est-il donc ce temps (l'époque et la météorologie) de 2009 qui m'avait permis de revenir de Clifden (pas loin d'Inishbofin) à Carentan en cinq jours d'une seule traite ?
  Ces deux temps ont fait leur oeuvre: je me sens plus fatigable que quatre années auparavant, et cette année, sur ce même parcours Irlandais, je n'ai pas pas de vent portant.
    L'allure est près du vent et le vent, s'il est régulier en direction ne l'est pas en force. Jaoul n'aime pas ça du tout. Equilibré et naviguant sans intervention de ma part suivant le vent s'il varie en direction, il décroche de sa route d'un coup se met à abattre et se retrouve vent arrière retournant là d'où il vient, dès que le vent mollit. S'il forcit, Jaoul loffe puis change de bord et retourne vent arrière.

  Que de réglage subtils à reprendre sans arrêt pour faire route sans trop traîner: les voiles, les dérives, la barre avec des élastiques ou bien avec le vérin de pilote. Ca use forcément ! Pourtant, j'aurais pu me reposer tant la veille est simple de ce côté-ci de l'Irlande qui n'est pas très fréquenté. Je n'ai vu au loin qu'un voilier du côté d' Achill Island et un petit bateau de pêche en face de la péninsule de Belmullet. Ce n'est est qu'à partir de Kenmare River que j'ai commencé à croiser des bateaux.

    C'est devant les îles Blaskets et les rochers épars qui ornent l'entrée de la baie de Dingle qu'en pleine nuit noire et crachin, Jaoul me lâche pour retourner d'où il vient. Au bruit qu'il a fait, il s'est sûrement passé quelque chose. Je mets quelques instants à comprendre la situation et prendre mes repères au compas. Jaoul a viré de bord tout seul et va vent arrière. Je le ramène au près en conservant ce bord qui mène au large pour parer les dangers.
    Puis, je vire à nouveau pour continuer ma descente.

    Au lever du jour, les Skelligs au loin. Je passe  entre la côte et ces deux immenses rochers, plus près de Little Skellig. Sous son vent, l'air empeste le poulailler, une colonie de fous de Bassan. Le rocher est "noir de monde", un monde fou, sauf la couleur qui est blanche.

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Puis des dauphins encore, des dauphins communs petits et vifs...


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et des puffins des Anglais.
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    Pour les Britanniques, ce sont des manx shearwaters. Littéralement,  des "raseurs d'eau Mannois" (de l'ïle de Man). Eux, ce sont les macareux qu'ils appellent puffins.

    Dans l'après-midi, la descente se poursuit. Voici l'entrée de Kenmare river barrée par trois rochers impressionnants: une famille de bovins.

Voici Bull Rock.( Faut aimer habiter là-haut !).
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...puis "The Cow" (The Bull est percé lui aussi, mais je n'ai pu le  prendre  sous cet angle).
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Le troisième larron, c'est the Calf qui offre peu d'intérêt photographique.

    Entre Dursey head et Mizen head, le cap a changé et Jaoul est au travers. Ce qui m'a permis de faire mon pain et le cuire sans être dérangé par une manoeuvre à faire d'urgence parce Jaoul est plus stable à cette allure. Heureusement, car avec les mains pleines de farine et de pâte...

    Juste au tournant de Mizen head, j'ai aperçu deux baleines qui soufflaient fort haut à chaque ondulation en laissant voir une partie du dos et la nageoire dorsale. D'après la forme de la dorsale et du lieu fréquenté, les grands tombants océaniques, mon livre me dit que ce sont des petits rorquals (8m de long). C'est ce type de baleine que j'avais vu dans le Minch en 1983.

    D'Inishbofin à Crookhaven, j'ai parcouru 151 milles à la vitesse moyenne de 4,3 noeuds (8km/h).

    Crookhaven, comme Inishbofin, sont de étapes de repos durant lesquelles je reste à bord. Pour en savoir plus sur ces endroits, voir ma croisière de 2008.

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Dimanche 11 aôut

    Je quitte le mouillage de Crookhaven à la voile. Puis, vent arrière, les voiles en ciseau, je double le célèbre rocher du Fasnet avec son phare planté dessus. Direction les Scilly, une étape de 160 milles que j'espère parcourir entre 32 et 37 heures. La vitesse est de 5,6 nds.

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    Je change d'amure à plusieurs reprises en virant lof pour lof (vent arrière) car le génois claque dès qu'il se trouve déventé. Le roulis est important et désagréable.
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    A 18 heures, la côte Irlandaise s'estompe et disparaît bien avant de s'enfoncer sous l'horizon.
    A 19 heures, j'aperçois un labbe, tout seul.
    La nuit se passe sans dormir.

Lundi 12 août

    Au petit matin, mes voiles.... dépenaillées. La grand-voile surtout ! Le moral en prend un coup.
    Et de gamberger.
    Mes enfants m'attendent, Salomé surtout pour une croisière avec Papy, je n'aurais pas le temps de faire réparer. Réparer moi-même? J'échafaude des solutions, j'imagine le travail à faire, à la main avec des pièces venues d'une voile récupérée dans une poubelle du port de Carentan. Faut que je dise à Michèle de me l'amener, elle est dans le garage. Mais si c'est trop long, trop difficile à faire pour moi ?  Reste à dégréer la grand-voile et à gréer la suédoise à la place. Oui mais, la suédoise, je ne l'ai jamais déroulée. Je n'ai donc aucune idée de sa taille ni  de sa forme.

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    Le soir, les Scilly sont en vue. J'ai croisé des voiliers aux voiles noires, des concurrents de la course du Fastnet. Trop loin pour prendre une photo.
    La grand-voile tient toujours en place.

    J'attends la météo de 20h sur France Inter pour prendre la décision de faire escale aux Scilly ou de continuer. Pour les zones Casquets et Ouessant, vent de nord-ouest 3 à 5 mollissant 2 à 4 cette nuit et revenant ouest 3 à 4 demain après-midi.
    Non, pas d'escale. Je tiens à profiter de ce vent portant avant qu'il ne devienne variable, c'est à dire nul ou presque.

    Je hisse le spi avant la venue de l'obscurité.

    A 24 heures, il reste 160 milles à faire. Si la vitesse se maintient à 5nds, l'arrivée à Portbail est pour mercredi matin vers huit heures. Faudra ancrer devant pour attendre d'entrer vers midi avec la marée.
  Puis, je me couche tout habillé sous la couette avec, tout près de l'oreille, un minuteur de cuisine à pile. J'ai changé mon minuteur mécanique contre celui-ci parce qu'il sonne bien plus fort et plus longtemps, m'obligeant à me lever.
    Je l'ai réglé pour une période de 20 minutes. Le radar veille lui aussi, une fois chaque çinq minutes et sonne quand un bateau entre dans un cercle de 5 milles autour du bateau.
    Pour la première fois de ma carrière nautique, je parviens  à dormir par tranche 20 minutes. Au bout de deux heures, je trouve ça insupportable. J'ai l'impression que sitôt debout, monté sur le pont, regardé autour, rien vu, redescendu et recouché, ça sonne et sitôt debout, monté sur le pont, regardé autour, rien vu, redescendu et recouché, je ne fais que cela. Le temps de sommeil, lui, se trouve gommé de la mémoire.
    J'en ai marre et règle le minuteur sur une heure. Le repos est bien meilleur.


Mardi 13 août

    Au petit matin, sous spi. Le pilote automatique est en butée, il ne barre plus. Le spi est à moitié effondré. Un petit réglage et ça repart.


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    Journée calme et ensoleillée. J'ai empanné le spi. C'est sportif. Mais ça sera la seule activité de la journée. La vitesse descend à 4nds.


Mercredi 14 aôut, au matin

    J'ai passé ma seconde nuit sous spi. Dés la sortie du rail des cargos, je suis allé me coucher. J'ai réglé la minuterie sur une heure. Puis dans le calme de la nuit où l'on entend le moindre bruit des milles à la ronde, j'ai coupé la minuterie et dormi cinq heures en deux fois. Jaoul a parcouru 18 milles durant ce temps. Je n'ai pas mis la veille radar, car longeant le rail des cargos à l'extérieur, il n'aurait pas arrêté de sonner.


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    9h40, Jaoul ne va pas plus vite que 2 noeuds.  Je suis en vue de Guernesey. Le pilote ne veut plus barrer. Pas assez d'énergie ne lui parvient. Liaisons électriques oxydées, probablement. Reste 40 milles pour Portbail.
    A 11h, le vent tombe complètement. Je mets le moteur à petit régime. Le pilote veut bien marcher de nouveau.
    Arrêt du moteur à 14h.
    Je longe les Dirouilles puis les Ecrehous. Le vent tombe à nouveau et définitivement. Pour parvenir devant Portbail, je remets un peu de moteur, il est 20h,  le courant a basculé de nouveau et porte au sud.
    A 21h30, je laisse tomber l'ancre avant l'entrée du chenal que marquent au loin deux bouées sur le sable.

    Je viens de parcourir 340 milles en 81 heures de navigation, soit trois jours et demi, à la vitesse moyenne de 4,2 nds.
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    A minuit, j'emprunte le chenal.
    C'est difficile de garder l'alignement des deux feux superposés tant le courant est traversier. Et puis Jaoul a ses dérives relevées pour entrer dans le port avec peu d'eau, nous sommes en mortes-eaux, alors forcément il fait la savonnette.  Heureusement que je connais le coin. C'est dans ce trou noir là-bas qu'il faut virer à tribord pour ensuite entrer dans le port en virant bâbord dès que la trouée claire dans la ligne sombre des enrochements et digues sera visible.

    Dans le port, il y a quarante centimètres d'eau sous la quille.
    Tandis que je cherche une place libre au ponton, un type en bagnole sur le parking allume ses phares qui inondent le port de lumière me rendant aveugle à ce que je fais.
    Je maudit ce type inconscient.
    Pas de place au ponton. Je doit repartir en faisant demi-tour avec une embarcation qui ne répond plus correctement à la barre. Le courant pousse vers le fond du port. J'essaie de me retourner à plusieurs reprise. En vain. Incontrôlable, Jaoul risque de heurter les autres bateaux. Je quitte la barre promptement et plonge à l'intérieur du bateau pour descendre la dérive centrale. Elle se plante dans le sable arrêtant la dérive de Jaoul. Je peux le faire pivoter enfin.
    En traînant la dérive au fond, je parviens à accoster au seul endroit libre. Celui qui doit y rester pour permettre les accostages pour avitaillement. Là encore, avec le courant, je m'y reprends en plusieurs fois avant de pouvoir sauter sur le ponton une amarre à la main à tourner sans délai au taquet.
    Reste à mettre les béquilles et parfaire l'amarrage.


Jeudi 15 août, Portbail, département de laManche

    A deux heures du matin, je suis au lit, vanné.

   
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Bilan de la croisière



Samedi 17  aôut, Portbail, Manche, France

  La croisière en Ecosse est terminée. C'est le moment de clore cette rubrique par un bilan.
  Presque trois mois passés à bord de Jaoul en navigation ou en escale et 2225 milles parcourus.

    Je me souviens, durant la montée vers l'Ecosse en mer du nord, malgré le froid, le bruit du moteur, j'avais au coeur un sentiment puissant d'accomplir quelque chose de rare, d'être un privilégié. J'étais dans le temps présent à en jouir sans penser à autre chose.

    Je ne regrette pas d'être passé par le canal Calédonien en flottille. Seul, je ne l'aurais pas emprunté. Sentiment de naviguer en haute montagne alors qu'on est trente mètres seulement au dessus du niveau de la mer. J'aurais bien aimé passer plus d'une semaine sur ce trajet pour  grimper dans la montagne, randonner un peu.
 
    Les Hébrides, j'étais heureux d'y retourner trente années plus tard. Quitter la flottille m'a permis de naviguer plus posément sans jamais mettre ma coque en marina où sur bouée. J'ai du assumer ma solitude car Michèle était déjà partie. Si la solitude m'a été difficile à Arisaig, trop plaisancière à mon goût, si parfois des chagrins m'ont assailli lors de périodes de calme en pleine mer, elle m'a aussi permis de faire des rencontres: Gary, Tim, Anne et Jean-Pierre, Cully... et de croiser nos histoires, nos chemins de vie.

    Cully m'a demandé quelle partie du Loch Moidart, j'avais visitée. C'était le sud. Or, le nord est encore plus beau, me dit-il. J'en conviens, mais je suis heureux de ce que j'ai pu voir et je sais bien que je ne pourrais jamais tout visiter tellement les possibilités de mouillages sont grandes.
    Parmi tous ces mouillages, j'en retiens trois qui à eux seuls valent le déplacement: Loch Moidart, St Kilda et Tinker's hole.

    La photographie et la rédaction de ce blogue m'ont pris beaucoup de temps. Une journée et demie par semaine environ. Cependant, rendre compte permet de faire attention à ce que l'on vit et d'observer autour de soi. Sans appareil-photo, je n'aurais sûrement pas identifié et observé toute cette vie qui se développe autour de nous, les oiseaux, les mammifères marins. Et les paysages, fugitifs en réalité, les photographier permet autant de les fixer sur un support informatique ou papier qu'en mémoire.
    Rendre compte permet aussi la relation à d'autres qui regarderont ces pages et donne un sens supplémentaire à ce voyage.

    Passer du temps qui passe au temps qu'il fait était mon désir au début de mon histoire avec Jaoul. J'avoue que je n'atteindrais pas ce qui reste un idéal. C'est à dire, ne pas prévoir de date de retour et  se laisser porter uniquement par la contrainte du temps qu'il fait. J'ai mis le moteur bien des fois pour être au port ou au mouillage avant la nuit. J'avoue aussi que les trajets de retour me sont souvent pénibles. Sentiment de refaire la même chose à l'envers, du déjà vu en somme. Cette fois ci, le grand trajet de retour depuis l'Irlande m'a été agréable. Petit temps, soleil, vent portant sous spi qui ne fait pas rouler le bateau rendent la vie à bord très agréable et permettent le repos.

    Maintenant, c'est une petite croisière familiale qui s'offre à moi. Une autre manière de vivre la mer et les grands espaces.




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